Archive for the ‘Bestiaire d'histoires’Category

14 juillet

Avant que la nuit tombe on ira dans les champs
Les petits monteront les épaules des grands
On guettera le ciel avant qu’il s’assombrisse
Les herbes grouilleront de grillons violonant.
Allongés sur le dos suçotant des réglisses,
On sera au parterre pour le feu d’artifice.

14

07 2010

La petite fée qui voulait faire du vélo

Il était une fois une petite fée qui aurait bien voulu faire du vélo. Ses parents lui disaient :
“Ma chérie, tu es une fée, tu as deux jolies ailes transparentes, tu n’as pas besoin d’un vélo. Le vélo ne convient pas aux personnes de notre standing.”
Et ils partaient à des cocktails, décollant depuis la terrasse dans un nuage de paillettes roses et bleues, dans de superbes habits assortis.

La petite fée était bien triste. Elle regardait tout le temps, depuis la fenêtre de sa chambre, un petit garçon qui tournait dans la rue avec sa bicyclette. Il ne semait aucune paillette dans son sillage, mais il avait un klaxon qui sonnait très fort. Mais on doit écouter ses parents, et la petite fée pensait que jamais elle ne monterait sur un vélo. Elle essayait de se consoler en jouant avec son petit chat, qui était magique, et qui pouvait changer de couleur, lui lire ses emails et jouer aux petits chevaux.

La maman de la petite fée attendait un bébé fée. Un matin, elle annonça que le bébé allait arriver. Le papa de la petite fée voulut aller chercher le docteur, mais malchance ! Un nuage de cendres dans le ciel empêchait toutes les fées de décoller. Affolé, le papa de la petite fée voletait partout dans la maison en se lamentant en répandant des paillettes toutes dépareillées.

Personne ne s’occupait de la petite fée, debout dans un coin du salon décoré de corail rose. Elle était toute désolée de voir son papa inquiet et cherchait comment elle pourrait l’aider. Soudain, elle eut une idée.
Sans bruit, elle sortit par la porte de l’appartement et commença à descendre l’escalier. Elle n’était jamais passée par là : d’habitude elle sortait en volant depuis la terrasse. L’escalier était raide, ça sentait une drôle d’odeur de cuisine chinoise et elle avait un peu le vertige. Mais elle continua de descendre en se cramponnant à la rampe. Tout en bas, il y avait une porte. Elle la poussa, et se retrouva dans la rue.

Elle n’attendit pas longtemps avant de voir passer le petit garçon sur son vélo. Elle était timide, mais elle trouva assez de courage pour l’appeler de toutes ses forces. Surpris, il s’arrêta dans un dérapage.
- T’es qui, toi ?
- Bonjour, je suis la petite fée, j’habite au dernier étage.
- Tu serais pas la crâneuse qui ne parle jamais aux autres enfants ?
- Heu… En fait mes parents m’ont mise dans une autre école, et ils ne veulent pas que je vienne jouer dans la rue…
- Qu’est ce que tu veux ?
- Ma maman va avoir un bébé, est ce que tu peux m’emmener chez le docteur ?
- Pourquoi tu ne peux pas y aller toute seule ?
- C’est trop loin et je ne peux pas voler aujourd’hui. Si tu m’aides, je te donnerai un chat magique. S’il te plaît…
Le petit garçon réfléchit un instant puis répondit :
- Bon, d’accord. Monte sur mon porte-bagage.

La petite fée s’installa sur le vélo derrière le petit garçon et se cramponna très fort. Ils démarrèrent en trombe et filèrent à toute vitesse dans les ruelles. La petite fée battait des ailes pour que le vélo aille encore plus vite. Ils laissaient un nuage de paillettes derrière eux et les gens disaient :
- Ho, regardez, un vélo qui fait des paillettes ! Ce doit être pour fêter la journée mondiale du disco.
La petite fée oublia qu’elle était inquiète pour sa maman et son papa, et commença à vraiment s’amuser. Elle faisait enfin du vélo !

Rapides comme ils étaient, ils arrivèrent chez le docteur. Bien sûr, c’était un docteur spécial pour les fées. Quand la petite fée lui eut expliqué ce qui se passait, il monta sur sa licorne arc-en-ciel et suivit les deux enfants sur leur vélo, qui montraient le chemin.

La petite fée emmena le docteur par l’escalier jusqu’à l’appartement, elle alla chercher son chat magique et redescendit dans la rue pour le donner au petit garçon. Ce dernier le regarda un moment changer de couleur, puis décida :
- Je te remercie, mais ma sœur est allergique aux poils de chat, et même s’il est magique, je crois que mes parents ne voudront pas le garder. Mais à la place, j’aimerais bien que tu viennes jouer dans la rue, de temps en temps.
La petite fée promit qu’elle viendrait, puis elle rentra chez elle. Le docteur était parti, et ses parents l’attendaient pour lui présenter le nouveau bébé. C’était un petit frère fée. Il avait deux jolies ailes roses.
- Je l’aime bien, dit la petite fée. Il faudra lui offrir un vélo.
Et ses parents n’osèrent rien dire du tout.

La petite fée alla souvent jouer dans la rue, avec son petit frère, et ils faisaient des tours sur un vélo qui avait un gros klaxon et qui faisait des paillettes de toutes les couleurs.

J’ai inventé ce conte dans le cadre d’un merveilleux atelier d’écriture que je fréquente chaque semaine à Grenoble. Une demi-douzaine de gens très différents, mais super intéressants, se réunissent pour écrire des textes sous la houlette d’une truculente comédienne. Nous ne jugeons jamais mais profitons simplement de l’imagination des uns des autres.
J’aime bien ma petite fée rebelle, et j’ai demandé à ma copine Catz de l’illustrer. Comme ça, gratuitement, parce que je suis super gonflée et que j’ambitionne non pas de m’enrichir, mais seulement de pouvoir l’offrir aux petits n’enfants que je connais, avec de belles images. Cela dit, elle n’est pas possessive et ne voit pas d’inconvénient à ce que je recrute d’autres dessinateurs. Alors, si vous aimez ce petit conte et que vous avez un bon coup de crayon, envoyez-moi vos contributions. Je vous promets une rémunération nulle, une gloire limitée au cercle de mes nièces et neveux d’adoption - et des vôtres, et l’assurance de ma reconnaissance éternelle et admirative vu que contrairement à ce que pense ma mère, je ne suis pas foutue de faire un dessin présentable.
Écrivez à filleauxcraies@gmail.com !

17

05 2010

Accélérateur de temps

Je suis dotée d’une mémoire phénoménale. Je me rappelle de choses qui sont arrivées alors que j’avais trois ans à tout casser. Je me rappelle avoir pensé que le rebord de la porte-fenêtre du bureau était un petit balcon fait spécialement à ma taille. Je me rappelle avoir pensé que mon papa ne pouvait pas savoir ce qui venait après “1, 2, 3″ parce qu’il était prof de français, pas de maths. Je me rappelle n’avoir pas compris qu’il ne faut pas dessiner le visage d’un bonhomme de dos. Et de cette vision étrange que j’ai eue du Père Noël, incarné par mon oncle, avec une guirlande lumineuse à la place de la tête, et que je n’ai jamais pu expliquer à personne. Et d’avoir demandé si quand on se baignait, le niveau d’eau était le même à l’intérieur du corps qu’à l’extérieur.

Du coup, j’ai une perception un peu plus pointue que le quidam moyen du monde merveilleux de l’enfance, quand on ne comprend rien à rien et qu’on est à fond dans la pensée magique. J’espère que ça va un peu me servir pour comprendre Nibbler. Je me souviens aussi que les sentiments que j’éprouvais étant enfant n’étaient en rien moins puissants que ceux que je connais aujourd’hui. J’espère vraiment mettre cette faculté en pratique au bon moment, pour ne pas sous-estimer les émotions de ma fille. On entend souvent les adultes dire qu’un chagrin d’enfant n’est rien. C’est parfaitement faux.

Quant j’étais en cinquième, j’étais amoureuse de Lucien Maestro. J’avais onze ans et demie, lui quinze. Nous étions cependant dans la même classe. Nul besoin de dire que notre différence d’âge m’ôtait tout espoir. J’étais une enfant, il était un ado à mobylette. Une mobylette rouge. Il portait souvent le même jogging vieux rose et je le repérais à des dizaines de mètres, le matin, sur le chemin du collège.

Il était très gentil avec moi. Ce n’était pas, d’après mes souvenirs, l’aimabilité feinte du cancre qui essaye de soutirer ses devoirs à la première de la classe. Il s’intéressait vraiment à moi. Il me défendait contre les élèves de mes parents qui venaient m’informer que ma mère était une pute et mon père une tapette. Il jouait aux échecs avec moi. Il a été le premier garçon qui m’a fait la bise tous les matins.

Aucune espérance donc, mais ce que j’avais me suffisait. Je m’endormais avec un grigri que j’avais fabriqué, sur lequel j’avais écrit ses initiales. Je parlais de lui à mon journal intime. Je profitais à fond de chaque mot, chaque sourire, chaque instant qu’il me donnait. J’évitais de penser à la fin de l’année qui allait déboucher sur ma bête noire d’alors : la quatrième technologique. Il partirait, dans un autre établissement à l’autre bout de la ville, ce qui signerait la fin de notre relation, quelle qu’elle soit. Jamais je n’aurais osé lui téléphoner, encore moins aller le voir. Moi onze ans, lui quinze…

Le mois de juin est arrivé et avec lui le dernier jour de cinquième. Un soleil ardent, un cruel ciel bleu. Je lui ai dit au revoir, au ralenti, comme dans un mauvais rêve, près de la lourde porte de fer de la cour du bas. Une double bise sur mes joues. Puis la porte qui se referme, et un jogging rose qui disparaît sur une mobylette rouge. Quand j’ai descendu le chemin, sur des jambes de plomb, il avait déjà disparu. Pour toujours.

Vous trouvez peut-être cette histoire parfaitement cucul. Je vous assure pourtant que ce jour là mon coeur s’est disloqué, sans bruit. Je n’ai rien laissé paraître. Je me suis laissée ramener à la maison. Je n’ai pas pleuré de suite pour ne pas que ça se voit. J’ai attendu d’être seule. Je me sentais vide, comme si on m’avait creusée l’intérieur avec une cuiller à melon. La mélancolie me gagnait. J’étouffais à l’intérieur de l’appartement. Je me sentais comme un oiseau entré par erreur dans une pièce, et qui se cogne à tous les murs.

J’ai peut-être souffert pendant deux, trois, quatre semaines. Et puis c’est passé, et puis la rentrée a amené un nouveau garçon, un nouveau béguin. On pourrait en déduire que ce n’était pas si grave, que ce n’était pas un vrai chagrin. Mais il faut bien comprendre que le temps ne passe pas à la même vitesse selon l’âge qu’on a. Un mois, à onze ans et demie, c’est peut-être six mois, un an, quand on en a trente. Personne ne songerait à dire à un ami que son chagrin n’est pas authentique. C’est pourtant ce qu’on est susceptible de dire à un enfant, pensant le consoler, alors qu’on ne fait que nier ce qu’il ressent. Et de ma vie d’adulte, j’ai eu la chance de ne rien éprouver d’aussi violent en matière de douleur amoureuse.

N’empêche que cette accélération du temps commence à m’effrayer. Bientôt faire un an que nous sommes sur Grenoble, et nous n’avons toujours pas installé nos rideaux !

27

07 2009

Difficile petit rat

C’est pas tout, ça, mais maintenant que j’ai fini les Chroniques de San Francisco, je dois me trouver autre chose à lire.

Commencer un livre est pour moi une opération très compliquée. Depuis toujours. Je peux passer une heure dans une librairie ou à la bibliothèque, je furète entre les rayons de façon désordonnée, le cou perpendiculaire pour lire les titres sur les tranches, et je peux tout à faire ressortir sans rien avoir choisi du tout. Je suis extraordinairement difficile. Déjà petite, les gens m’offraient des livres parce qu’ils savaient que je lisais beaucoup (il n’y avait pas de télé à la maison et ma consommation s’élevait à au moins deux romans par semaine) ; je n’en ouvrais pas la moitié. Je n’essayais même pas de les commencer : ils allaient moisir sur une étagère, délaissés, vexés peut-être, d’autant plus que ce n’était souvent que délit de sale gueule.

Je ne peux pas lire un livre qui ne me plaît pas physiquement. Bien sûr, le titre importe, le résumé de la quatrième de couverture aussi, et l’écho que j’ai pu éventuellement en avoir par quelqu’un ou par un magazine. Mais j’ai des critères beaucoup plus superficiels. Il faut que ce soit un livre de poche. Je n’aime pas les grands formats. Il faut qu’il soit de la bonne édition (10-18, Points, Pocket ou àla rigueur Folio). Je viens de me faire violence et d’acheter Virgin Suicides bien qu’il ait paru chez J’ai Lu (je déteste le logo) ; je voulais lire le roman mais répugnais à l’acheter depuis plus d’un an pour cette unique raison. Il faut que la couverture soit belle (je me retiens d’acheter à nouveau Middlesex parce qu’ils l’ont réédité avec une couverture différente vachement plus sexy). Il faut de préférence que ce soit un pavé, et un vrai, pas écrit en gros : il faut que ça dure (je lis à une vitesse qui énerve les gens, c’est pourquoi je lis de temps en temps un bouquin en anglais, ça me mate). Les livres, c’est comme les filles : j’aime pas quand c’est maigre. J’aime faire défiler les pages avec le pouce et que l’épaisseur molle d’un roman de six cents pages fasse “flop flop flop”. A cause de ça j’ai une petite préférence pour les Points ; la couverture des 10-18 est un peu trop rigide pour que le plaisir soit complet. Certaines éditions moins connues ont des proportions et un toucher vraiment agréables, ce qui m’a conduit à lire Chinoises (Xinran), chez Piquier Poche, un livre excellent et poignant que je recommande (bien que je déteste le mot “poignant”).

Mais je n’aime pas avoir plusieurs tomes. J’ai le Seigneur des anneaux, version originale, en un seul volume, couverture souple, plus de mille pages, on dirait une Bible. Je l’adore, bien que je ne soit pas allée au delà de la page 177 (marquée avec le ticket d’entrée de la maison de Pierre Loti à Rochefort). J’ai lu dans mon adolescence Les Misérables dans une vieille édition en un volume unique, écrit sur trois ou quatre colonnes, un vrai plaisir. J’aimerais le relire, mais pas en plusieurs tomes. Comme je le trouve pas d’une seule pièce, je renonce à chaque fois.

En revanche je n’ai rien contre les séries, mais attention, je veux tous les tomes dans la même édition. J’ai tout de même fait exception pour Harry Potter, ayant acheté les tomes 1 à 4 en version originale poche, mais n’ayant pas pu attendre pour me procurer les suivants dès leur sortie. J’ai donc 4 Harry Potter brochés et 3 cartonnés avec jacquette. Il faudra remédier à cela un jour, c’est sûr, en achetant la version poche des trois derniers, puisque je préfère les poches, bien entendu.

J’ai aussi quelques exigences sur le contenu (j’en ai quand même un peu dans la cervelle). Je n’aime pas les policiers (surtout enrobés d’un contexte historique). Je ne suis pas attirée par les ambiances exotiques (parce qu’elles me ramènent à ma certitude d’être nulle en voyages). Mais je ne lis presque que des romans anglo-saxons (j’ai l’impression qu’aucun auteur français n’est capable d’être assez original et déjanté). Je me sens incompétente pour la science-fiction (sauf Les Robots d’Asimov) et la fantasy (ça m’a suffit d’aller au caté quand j’étais môme). Je ne lis jamais de livres pour filles (autrefois c’était Mary Higgins Clark, monotone comme le ciel de Chartres ; de nos jours c’est ces trucs genre Sex and the City avec des célibattantes qui font semblant de ne pas chercher ce gland de prince charmant). Je ne veux plus rien lire (ni voir, d’ailleurs) sur la Seconde Guerre Mondiale, j’en ai ma claque de toute cette horreur (j’y suis pour rien, j’étais pas née et mes vieux non plus, d’abord).

J’aime bien les sagas familiales (où tout le monde a un grain), les personnages normaux (c’est à dire : qui ne bossent pas dans la pub) mais originaux (ils cultivent les vers à soie), qui se croisent les uns les autres (tout le monde couche avec le même mec). Par dessus tout, et je ne passe rien à l’auteur à ce sujet : il faut que ce soit bien écrit. Là , normalement, ça énerve ^ ^ qui déteste que je critique le style d’un livre ou d’une chanson (je suppose que je devrais dire “je n’aime pas comme c’est écrit” à la place de “c’est de la merde”, mais à chacun ses petits tics de syntaxe). Mais je n’en démords pas.

Prenons un exemple. J’ai acheté Les yeux jaunes des crocodiles (Pancol) avec le chèque de Noël du comité d’entreprise. Ma Couz m’avait dit que c’était très très bien. La couverture me plaisait. L’épaisseur aussi. J’aurais du me méfier du résumé, pourtant : “Ce roman parle des hommes. Et des femmes. Celles que nous sommes, celles que nous voudrions être, celles que nous ne serons jamais, celles que nous deviendrons peut-être”, effectivement, j’aurais du voir que ça s’annonçait fort mal. Résultat, je suis engluée à la page 197. Je m’emmerde sec. Le style est plat. Les personnages mous. L’intrigue n’avance pas. Les situations sont caricaturales. Tout est téléphoné, rien ne me surprend. Rien n’est crédible. Vous y croyez, vous, à une ado qui utilise l’expression “le comble du luxe” ? On dirait un bon vieux sitcom. Gros gâchis de papier, gros gâchis de temps, gros gâchis de chèque de Noël du comité d’entreprise. Le roman a reçu le prix 2006 de la Maison de la Presse. Ceci confirme que ce n’est pas en vendant Voici qu’on attrape la fibre littéraire. Depuis l’auteur a sorti La valse lente des tortues. Je m’interroge : est ce qu’elle va s’attaquer à tous les reptiles ? Le prochain, c’est “Le vaste trou du cul des iguanes”. (Oui, je suis sans pitié ; vous comprenez ^ ^ maintenant. Mais je suis frustrée, je gère comme je peux, hein.)

Lors de ma dernière descente à la Keufna, j’ai donc aquis Virgin Suicides (j’emprunte des bouquins à la médiathèque, bien sûr, mais je préfère toujours les acheter, pour les garder, les relire, en essayant de ne pas marquer la tranche de pliures, et les prêter quand je les aime vraiment). J’ai aussi choisi Geisha, que je voulais lire depuis longtemps, et Une situation légèrement délicate, puisque j’avais aimé Le bizarre incident du chien pendant la nuit. J’ai longuement hésité devant Ambiguïtés, vanté il y a peu par Matoo, mais je ne sais pas pourquoi, ça fait deux fois que je le feuillette puis le repose sur le rayon. J’ai eu envie de prendre aussi Jonathan Strange et Mr Norrell, mais je ne suis pas sûre que ça va me plaire au delà de la couverture noire et du nombre alléchant de pages.

Je suis embêtée. Quoi lire ensuite ???

20

03 2008

Babycakes blues

Comme ici ce n’est pas un blog 100% jeune maman, je vais vous parler de mon babyblues. Vous n’avez pas mal lu, j’ai bien écrit que ce n’était pas un blog 100% jeune maman. C’est à dire que mon babyblues, en plus de s’en être tenu au strict minimum (disons trois grosses demi-journées), a pris des chemins plutôt inattendus.

L’année dernière, pendant mon voyage à l’île Maurice (et pendant que sur ce blog dansaient les souris), j’ai fait une rencontre. J’ai lu mon premier tome des Chroniques de San Francisco - en version originale, s’il vous plaît. Ci-dessous, une petite photo pour vous re situer le contexte :

Sable chaud, lagons bleus, soleil, poissons tropicaux et pour lire sur la plage, un bouquin avec un vieux slip en photo sur la couverture. Bien que mon anglais ne m’ait pas permis de comprendre les dialogues dans toute leur finesse, j’ai carrément accroché. J’aime les histoires remplies de personnages qui s’entrecroisent. J’aime quand il y a un gros secret qu’on ne connaît qu’à la fin. San Francisco me fait rêver depuis que les photos de voyage de ^ ^ m’ont fait réaliser que c’est là -bas que se trouve la bow-window de La fête à la Maison derrière laquelle Lili et moi voulions toutes deux habiter quand nous étions petites (ici vous pouvez reprendre votre souffle, merci). “Fantasia for two” m’a fidélisée pour toujours, bien que je n’aie aucune affinité pour les chimpanzés. Et voilà comment on se trouve une nouvelle saga à lire après avoir relu douze fois Des semailles et des moissons - celle-ci faisait assez honte à cause de son titre cucul, en fait. Mais lire les Chroniques de San Francisco, c’est sans doute un peu ringuard, mais c’est quand même la classe.

Je n’ai attaqué le second tome qu’une fois enceinte, pendant les vacances de la Toussaint. Et j’ai enchaîné avec les troisième, quatrième et cinquième pendant que Papillotte devenait Nibbler bien au chaud sous mes abdos. Mais la coquine ne m’a pas laissé le temps de lire le dernier épisode, tout pressée de sortir qu’elle était. C’est donc quelques semaines plus tard, après une paire de nuit particulièrement agitées, et dans un état de fatigue assez remarquable que je me suis rendue à la Keufna pour acheter mon Bye-Bye Barbary Lane.

Et c’est là que mon babyblues entre en scène. A l’instant où mon doigt se pose sur la tranche du bouquin pour le tirer hors de son étagère, entre D’un bord à l’autre et Une voix dans la nuit, à cet instant précis, je réalise que ceci est le dernier, tout dernier tome, après, fini, parti, a p’us, et bam, l’eau me monte aux yeux et ça chauffe et ça pique comme des tétons pendant la montée de lait, et voilà que je me retrouve à me balader dans la Keufna au bord des larmes, mon livre à la main, et l’air bête. Tout ce que je vois autour de moi m’émeut encore plus, sans raison, un bébé un peu plus vieux que le mien dans sa poussette, un livre que j’avais quand j’étais petite, une musique qui joue dans un haut-parleur, n’importe quoi. Je m’étais attachée à ces personnages, à cette ambiance, et sans doute aussi à mon gros ventre et aux petits coups de pieds, et tout était fini, pour toujours !

En rentrant, Doudou m’a payé un chocolat chaud à la cannelle à l’Atelier du Chocolat et déjà , c’est allé mieux. Et devinez ce que j’ai découvert la semaine dernière ?

Il va sortir le mois prochain. Croyez-vous que je vais me jeter dessus ? Que nenni ! Il se trouve que d’une part je suis plutôt maniaque sur certaines choses - pas autant que Ron prétend l’être, mais pas loin. J’ai toute la série des Chroniques en poche 10-18, il est hors de question d’acheter celui-ci avant qu’il ne soit sorti en poche 10-18, parce que sinon, il sera pas pareil que les autres et ça va pas être possible. C’est comme ça épicétou. Mais ce n’est pas grave : j’ai toute la vie pour le lire… Et j’espère, pour le poser sur un gros bidon qui bouge…

16

03 2008

27 août 1995

L’atelier d’écriture auquel je participais dans le temps (époque où j’ai pondu entre autre “La fille aux craies” et cette charmante nouvelle intitulée “Le neveu” que pour des raisons d’ordre divers je ne peux rediffuser - mais que vous pourrez toujours trouver dans la catégorie “Bestiaire d’histoires”), cet atelier d’écriture, donc, ayant fermé il y a longtemps je me trouvai fort dépourvue lorsque l’envie d’écrire fut revenue et l’inspiration repartue. Je viens d’en dénicher un autre, et j’ai déjà planché sur le thème de la quinzaine en cours, roulements de tambour…

Le thème était (je cite) : ” “

Soit : rien. Le vide. Le vide intersidéral, même. Ce qui collait parfaitement à mes dispositions. Voilà le résultat et en-dessous, une petite musiquette qui va bien avec. Je signale d’autre part que j’ai refait la radioblog. Et je termine en remerciant les personnes qui m’ont récemment linkée. Voilà , ça… C’est fait.

*

_____
*

Tirer sur quelques cuticules. Ecouter Nirvana. Somnoler sur le canapé. S’assoir sur le balcon pour regarder les gens passer. Aller au village en vélo. Acheter un magazine. Le lire au bord du torrent. Bronzer un peu. Pédaler sur la route écrasée de soleil. Regarder la sueur qui sèche sur la peau. Taper quelques balles contre un mur. Monter lire au galetat. Brasser de vieux souvenirs. Eternuer de poussière. Descendre au jardin. Cueillir des framboises, les laver dans le bassin. Les manger comme ça sans rien. Emmener Petit Quentin au cimetière, arroser la tombe de Papy Jean. Faire une petite prière. Ensemble, aller chasser le grillon. Rentrer pour l’heure du feuilleton. Prendre le goûter chez Mamie. Faire une partie de petits chevaux. Sortir sur la pelouse. Lever les yeux. Voir le soleil mourir. Respirer l’air du soir. Et puis rentrer.

- Qu’est ce que tu as fait pendant les vacances ?
- Oh… Rien.


Air - Night Sight

12

09 2007

Les paris sont ouverts !

“Dès les premiers indices, Marie-Antoinette veut vite envoyer un courrier à sa mère, mais le médecin de la cour, bien que prêt à parier mille louis que la reine a raison, le lui déconseille tout d’abord. Le 5 mai, le circonspect Mercy annonce le fait comme certain : le 31 juillet à dix heures et demie du soir la reine sent les premiers mouvements de l’enfant, et le 4 août on annonce officiellement sa grossesse à la cour. “Depuis, écrit-elle à Marie-Thérèse, il remue fréquemment, ce qui me cause une grande joie.” Elle prend plaisir, dans sa bonne humeur, à apprendre sa paternité à l’époux sous une forme plaisante et originale ; elle s’avance vers lui, avec une mine sombre, et jouant l’offensée : “Je viens, Sire, me plaindre d’un de vos sujets assez audacieux pour me donner des coups de pieds dans le ventre.” Le brave roi ne comprend pas tout de suite, puis il éclate de rire et embrasse sa femme avec une fierté débonnaire, tout étonné de son habileté inattendue.”

Stefan Zweig, Marie-Antoinette

10

08 2007

Le train

A quelques heures du premier tour, je ne peux résister à l’envie de ressortir cette petite chose qui me fait tant plaisir. J’ai écrit ceci en 1988, pendant les présidentielles…

(ça m’amuse tant que vous me pardonnerez, hein !?!)

:grin:

***

Les gens du train, en regardant par les fenêtres, en faisant du bruit, m’ont énervée. Ils tapotaient leurs cuisses, ils croquaient des saucisses, vraiment ils m’ont agacée.
Ils criaient, parlaient et chantaient à voix haute.
Ils s’amusaient, se bagarraient, se disputaient à propos de la politique et des élections.
L’un disait : “Je veux que vous votiez tous pour Chirac, il est parfait !”.
Un autre piaillait : “Non ! Le Pen est mieux !”
Le troisième criait : “Lajoinie au premier tour ! Vous n’avez pas vu l’affiche ! C’est lui le meilleur !”
Le quatrième répondit, furieux : “Mitterrand est le président ! ça veut dire que tout le monde l’aime !”
Le cinquième hurla plus fort qu’un lion en fureur : “Barre ! Barre ! J’espère que Barre aura 90% des voix !”
Un moment après, le contrôleur arriva. “Que se passe-t-il ?”, m’a-t-il demandé. “Je ne sais pas ! Depuis que je suis montée dans le train, il y a cette pagaille.”
“La pagaille ! La pagaille ! C’est plus qu’une pagaille !” me dis-je dans ma petite tête !
Et tout d’un coup, je me suis mise à crier : “Attendez donc les résultats des élections !”, ce qui fit taire tout le monde.

20

04 2007

Histoire sans titre (rediff)

Je vous l’avais caché, mais je me suis inscrite au concours du festival de Romans de la création sur internet. J’ose espérer que mes deux lecteurs auront la bonté de voter pour moi :]

Je suis dans les catégories Photo et Littérature. Afin d’honorer cette dernière, et parce que ma production est plus que ralentie (j’ai pas le temps T_T ), voilà une petite réédition d’un texte écrit au départ pour Bloft Story. Comme cette nouvelle ne correspond absolument pas à mon état d’esprit du moment, elle convient très bien…

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Exercice imposé: sur une chanson de Dalida, choisir des mots, et les intégrer à un texte.
Mes mots étaient:
- 5 noms: oiseaux, brise, soir, ronde, fumée
- 5 verbes: quitter, scander, rouler, retenir, perdre
- 5 adjectifs: volant, exubérant, précieux, seul, mauve
- 5 adverbes: vite, jamais, tristement, tard, après

D’ailleurs, j’ai triché sur un mot. Vous pouvez dire lequel???

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« Certains maquisards n’étaient pas bien malins - mais il ne fallait pas le dire. Ils ont envoyé des hommes traverser la vallée alors qu’il y avait des allemands partout ; c’était pas une chose à faire. Les Allemands les ont chopés et maintenant y’a une plaque, par là-bas. Une fille qui avait été à l’école avec moi y a perdu son mari juste avant la naissance de son bébé. Et puis elle s’est tuée plus tard dans un accident. Y’a des gens qui ont la poisse, je te jure ! Tiens, remplis-moi la carafe, s’il te plaît. L’autre folle va pas tarder à venir me piquer. »

Bien vu. Ses sabots scandent la compétence incarnée depuis l’autre bout du couloir. Alice arrête le dictaphone et sort de la chambre. L’infirmière la frôle de son petit plateau roulant et ferme la porte derrière elle. On l’entend trompeter aux oreilles de Ménou. Alors alors, elle pète le feu, madame Pannier, aujourd’hui ! On va faire la dextro, mais oui ! Halala cette chaleur, et les pauvres otages en Irak, ce qu’ils doivent déguster alors !

Alice profite de la pause pour mordiller ses ongles et penser qu’elle n’est pas en train de réviser les concours. Quelle importance puisque Ménou est au bout du rouleau. Les concours, ils reviendront l’année prochaine. Les précieux souvenirs de Ménou, eux, vont bientôt disparaître à jamais. A moins que quelqu’un ne les grave sur une bande, comme elle s’y emploie depuis bientôt un mois.

Quand la dextro est finie, ni l’une ni l’autre n’ont envie de reprendre l’enregistrement. Ménou a la bouche sèche et préfèrerait écouter quelques potins. Mais Alice n’a pas grand chose à raconter. Son esprit est occupé par Marcus. Dans trois semaines, il rentre des États-Unis. Elle a peur de ne pas reconnaître le presque-frère qui a éclairé ses années lycée. Et les gens de sa prépa sont si différents de lui, qu’elle a peut-être changé, elle aussi. Ils n’ont pas beaucoup correspondu pendant son absence. Ménou s’en étonne. A notre époque, tout de même, avec Internet, ça semble facile de s’écrire! Alice ne sait pas. Elle s’est cru trahie quand il est parti. Elle s’est sentie seule toute l’année. Elle doit rentrer maintenant.

Dans le train qui roule vers Grenoble, le front appuyé contre la vitre, Alice regarde. Elle fait des provisions de paysage pour l’année prochaine. Malgré ses nombreuses visites à Ménou, il se pourrait qu’elle échoue à se faire recaler aux concours. Dieu sait alors où elle sera dans trois mois. Après.

Grenoble est un four, et Béa, qui attend Alice sur le quai, est juste à point. Ses grosses bajoues écarlates sont trempées de sueur. Ce n’est pas très grave, parce qu’elle porte un haut si léger qu’on ne voit d’elle que les seins. Alice jette un œil réprobateur à sa propre poitrine, plate comme une journée d’hôpital, et hisse son sac hors du compartiment. Béa est venue la chercher comme ça, par amitié, et aussi pour faire une petite pose entre deux colles de dernière minute. Elle est exubérante et adorable.

A peine son sac posé, Alice s’accorde une bonne douche froide. L’internat est rempli de filles en révisions qui paniquent et s’interpellent d’une chambre à l’autre. Les esprits sont gavés d’équations différentielles, de nombre d’oxydation, de métabolisme des acides gras et des dernières soirées de l’année. Les cigarettes se fument à la chaîne, à la fenêtre, pour ne pas déclencher l’alarme à incendie. On échange des tuyaux pour se loger à Paris, si des fois on avait la chance d’aller aux oraux… Alice préfère brancher son ventilateur et s’allonger un moment pour écouter l’enregistrement du jour. Et les maquisards qui n’étaient pas toujours très malins. Sacrée Ménou.

Toute la classe a rendez-vous dans un pré sous la Bastille, au coucher du soleil. On va griller des saucisses et se saouler une dernière fois ensemble. Anaël a amené son djembé, Julie a fait des frites javanaises et tous les gars sont torse nu. Le soir tombe doucement sur la ville fumante. Une brise se lève, bienfaisante. Les martinets commencent à se rassembler au-dessus des toits et forment en piaillant une gigantesque ronde volante.

« Ils vont dormir. » C’est Vincent qui vient de s’asseoir à côté d’Alice, ses longs cheveux brouillons vaguement retenus par un lacet de chaussure. Comme elle le regarde avec des yeux ronds, il explique : les martinets ne se posent jamais, sauf pour nicher. Ils font tout en vol. La nuit, ils dorment en altitude, sans s’arrêter de battre des ailes. Alice s’étonne. On lui fait passer un gobelet de whisky-coca. Elle le boit à petites lampées. Elle ne dit rien. Elle regarde. Elle fait des provisions de soirée sur la Bastille, pour plus tard.

L’ambiance monte. Tout le monde a déjà un peu trop bu. On entend le rire de Béa qui course un garçon dans l’herbe haute. Au son du djembé, les têtes se vidangent des concours. Des couples de dernière minute se forment, qui ne tiendront pas jusqu’aux oraux. La fumée pique les yeux.

Alice mastique une merguez, un peu tristement. Elle voudrait parfois tourner en rond elle aussi, comme les oiseaux. A la place, elle doit avancer dans la vie. Passer les concours, intégrer une école et devenir quelqu’un. Et quitter des instants qu’elle voudrait retenir encore un peu. Les autres veulent en finir, vite. Elle, ne souhaite pas voir la fin du mois de juin, et la fin de Ménou, et le retour d’un Marcus inconnu. Au milieu des chahuts, elle écoute son cœur se serrer avec un froissement de papier crépon. Elle est la seule à l’entendre.

Trois jours plus tard, Alice a reçu le coup de téléphone qui annonçait la mort de Ménou. Elle n’a pas voulu aller à la mise en bière. Au lieu de ça, elle a visité une dernière fois le petit appartement de sa grand-mère, avant que l’on ne le vide. L’horloge avait toujours son odeur de cire. Alice l’a remontée et l’a remise en route. Puis elle a emporté la petite clé rouillée.

Elle est allée chercher Marcus à l’aéroport Saint-Exupéry. Avec un bouquet de lilas mauve.

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12 2006

L’amer Noël

Une petite rediff de circonstance, quoique légèrement pessimiste, alors qu’en vrai je n’ai rien contre Noël!
D’ailleurs, si vous Nowel vous fait déprimer… Vous n’êtes pas plus mal aimé que rebelle, seulement un peu victime du manque de lumière… Les jours vont grandir maintenant!
A part ça, je voulais mettre mes chants de Nowel favoris, bien kitschouilles, dans Radio Marmotte, mais j’ai perdu le cd :’(

La serre fuse de rires cristallins. Serrés contre les carreaux, les cousins attendent le Père Noël.
Les petits sont blottis contre leurs parents, hagards et tremblants de sommeil; ils sentent l’excitation vriller l’air et éclater dans leur ventre. Les grands scandent le nom du Père Noël.

Enfin, la porte du jardin s’ouvre. Il fait son entrée, plié en deux sous une hotte généreuse. La serre vibre d’acclamations. Il hésite: chaque année Il oublie le chemin. Sous les supplications perçantes des enfants, Il passe sous le grand sapin enguirlandé, disparaît derrière la cabane, reparaît et s’accroupit pour tracer dans la neige, du bout de son gant blanc, un message de Noël. Finalement, Il trouve la bonne porte et entre dans la maison.

Les enfants exultent et trépignent. Il en met un temps! Quand Il ressort, et s’en va sous les cris de joie, on ouvre la serre et tous se ruent dans la pièce voisine, vers des montagnes de paquets si éclatantes qu’elles laissent sur la rétine l’empreinte de Noël.

Il s’arrête derrière le mur du jardin. Il entre dans le garage, enlève sa barbe et son costume. Cette année encore, les enfants ne l’ont pas reconnu. Il dissimule le déguisement dans une malle et rejoint le salon pour profiter du spectacle des gosses qui ouvrent leurs cadeaux.

Il n’aime plus Noël. Il n’aime plus Noël depuis que son Père Noël pourrit sous une dalle de marbre, sans son costume rouge, avec une croix pour tout sapin.

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12 2005
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