Le bon gars (bis)
J’avoue, et j’en suis confuse, que jusqu’à présent je ne faisais aucun cas des mecs à lunettes.
Depuis mon enfance, j’ai toujours cru que les porteurs de lunettes étaient nés avec leur prothèse, et je n’ai jamais été capable d’imaginer leurs traits mis à nu. Les porteurs de lunettes me paraissaient sérieux de naissance, expérimentés, concernés, au-dessus du lot et totalement hors du champ de la séduction. Pour moi, ils étaient aussi érotiques que Tintin avec sa mèche : complètement asexués, complètement en deux dimensions. J’ai toujours été ahurie jusqu’à la suffocation de voir un binoclard ou une binoclarde ôter ses écailles et de découvrir un visage attirant : c’était donc des êtres humains, capables d’amour et de haine, et de tirer un bon coup ?
Je rassure les myopes, hypermétropes, astigmates et autres anthropopithèques : cette période d’indifférence est révolue. Mon homme, après trois ou quatre ans de conduite à l’oreille, selon mes indications - “Non, chéri, ce n’est pas l’entrée du parking, c’est Madame Bangione” - s’est enfin pris par la main pour consulter un ophtalmo et s’est laissé tenter par de superbes lunettes à monture rouge. Et devinez ? Il est terriblement, absolument, foutrement sexy avec ce truc sur la tronche. Je m’extasie et me pâme onze fois par jour. Je suis super amoureuse de mon binoclard.
A quelqu’un qui me demandait il y a quelques temps comment reconnaître le bon gars, je réponds : si je le trouve beau avec ses lorgnons, au bout de presque douze ans, c’est sûr une fois de plus : c’est le bon gars… pour moi
Épilogue : pour avoir depuis peu les yeux qui gondolent devant Victor Hugo, un peu jalouse de mon mari aussi, je me suis choisi également deux montures de bésicles, dont une qui me donnera exactement l’air d’une bibliothécaire lubrique. J’espère que les gens vont me trouver l’air ULTRA expérimentée maintenant.