Archive for mai, 2010

Enfin un article sur mon vagin après tout ce temps

Avant de commencer, je voudrais hurler mon indignation contre ce que j’entends parfois dans la bouche de certain(e)s, à savoir qu’Untelle a montré son vagin ou qu’on a vu son vagin ou photographié son vagin - et quelqu’un sur twitter qui m’a demandé s’il y aurait une photo dans mon article - et je veux leur demander : vous aviez un spéculum sur vous ? Non parce que sans ça, ce n’est pas son vagin que vous avez eu la chance d’admirer, mais sa foufoune. Le vagin, c’est DEDANS. On ne PEUT PAS le voir sans une lampe de poche. Fin de la parenthèse.

Je préfère vous avouer tout de suite que sous un titre racoleur, je suis en train d’écrire un article non sur mon vagin, mais sur la Mooncup. Mais souvent celle-ci n’est pas très loin de celui-là. Donc ce n’est pas tant de l’arnaque, laissez Julien Courbet tranquille (pardon pour mes références télévisuelles périmées, je rappelle que je ne regarde plus la télé depuis 2008). J’écris un article sur la Mooncup parce que j’entends souvent des filles parfaitement libérées (y-compris ma Couz que j’aime, mais comme elle n’a pas le temps de lire mon blog, ce n’est pas grave) en parler comme les sœurs de Jésus Miséricordieux parlent du Démon. La mooncup, beurk, encore une invention d’un méphistophélique ennemi des femmes pour les faire culpabiliser d’utiliser des protections jetables blanchies au chlore que l’on retrouve ensuite un peu partout dans la nature. C’est vrai que les femmes sont de grands enfants incapables de comprendre et d’assumer les conséquences de leurs actes et à qui il faut tout pardonner du moment que ça concerne leur utérus. Une protection périodique écolo, bouh le vilain mot !

Comme je suis une hippie insupportable, j’ai bien entendu essayé la Mooncup sitôt que j’ai été informée de son existence. Pour ceux et celles qui ne le sauraient pas encore, il s’agit d’une coupe en silicone que l’on s’enfile dans le vagin (on y vient !) et qui récupère le sang des règles. On la vide deux fois par jour, et à la fin on la fait bouillir et on la range jusqu’à la prochaine fois.

En matière de protection périodique - comme de contraception, de machine à laver et de beaucoup d’autres choses dans la vie - la question principale est : est ce que c’est pratique ? Est-ce que c’est efficace ? Est ce que ça me convient ? Dans le cas de la Mooncup ma réponse est trois fois oui. Pratique : toujours prête dans la trousse de toilette, elle peut être dégainée n’importe quand. Pas besoin de racheter des tampons au Coccinelle quand on reste dormir à l’improviste chez un copain célibataire. Pas besoin d’en racheter tout court. Les avantages sont ceux d’un tampon, moins la ficelle qui dépasse et qui se mouille quand on se baigne et qui rend les pipis acrobatiques, moins la limitation en terme de petit flux (on peut même la mettre à sec, en prévision - vous en connaissez beaucoup des trucs qu’on peut se mettre à sec, vous ?). Efficace : l’autonomie est de loin supérieure à celle d’un tampon, et une fois le coup de main pris, je n’ai jamais eu d’accident de culotte. Est-ce que ça me convient ? Parfaitement, oui. Parce que je n’ai pas de problème avec le sang ni avec le fait de mettre mes doigts dans mon vagin.

Car avec une mooncup vous pouvez apprécier les menstruations dans toute leur splendeur. Le sang étant retenu et non absorbé, il est donc tout beau tout frais et vous pouvez faire Dexter sur la faïence des toilettes. Personnellement ça m’amuse. Quand j’étais petite, mes grands cousins affichaient dans leur chambre des posters de films d’horreur des années 70. C’est pourquoi la vision de litres de sang ne me fait pas lever un sourcil. Mais ce n’est peut-être pas votre cas. On ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas ses cousins.

Autre épreuve koh-lantesque : insérer et retirer la mooncup avec au moins quatre ou cinq phalanges simultanées. Alors autant vous prévenir tout de suite : je ne comprends pas et ne valide pas les applicateurs de tampon et les histoires de préservatifs égarés récupérés à coup de baguettes chinoises. Sans déconner, les filles, un vagin ça mesure en moyenne huit centimètres. Et ce n’est pas interdit de mettre les doigts dedans. Vous croyiez que c’était la grotte de Lascau ou quoi ? Tenez, à quatorze ans j’ai perdu un tampon à force de me trémousser sur la piste de danse du mariage de ma cousine Karine. La ficelle s’était escamotée dans l’antre de la bête. Comme j’ai toujours été aventureuse, je n’ai pas dérangé le SAMU, mais suis allée chercher le petit déserteur sans faire de manière. Alors si une pucelle de quatorze piges peut le faire, je ne vois vraiment pas le problème, en fait.

En comparaison avec une serviette (pour les gars, imaginez vous un morceau de foie gluant dans votre slip qui colle aux poils) ou un tampon (qui vous rabote parfois le vagin, sans compter la petite ficelle super sexe qui dépasse), je n’hésite pas une seule seconde : la mooncup, elle libère ton vagin et ta tête. Alors, si vous supportez le sang et ne voyez pas d’inconvénient à vous mettre un doigt ou deux (vous m’en direz tant), il n’y a aucune contre indication à son utilisation. Donc avant de jeter l’eau bénite d’un féminisme douteux sur cet objet merveilleux dont je ne peux me passer depuis plus de cinq ans - non pas pour ses vertus écologiques mais bien pour ses avantages pratiques - essayez-la et on en reparle.

Je ferai une démonstration à toute personne intéressée - pourvue d’un vagin.

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05 2010

La petite fée qui voulait faire du vélo

Il était une fois une petite fée qui aurait bien voulu faire du vélo. Ses parents lui disaient :
“Ma chérie, tu es une fée, tu as deux jolies ailes transparentes, tu n’as pas besoin d’un vélo. Le vélo ne convient pas aux personnes de notre standing.”
Et ils partaient à des cocktails, décollant depuis la terrasse dans un nuage de paillettes roses et bleues, dans de superbes habits assortis.

La petite fée était bien triste. Elle regardait tout le temps, depuis la fenêtre de sa chambre, un petit garçon qui tournait dans la rue avec sa bicyclette. Il ne semait aucune paillette dans son sillage, mais il avait un klaxon qui sonnait très fort. Mais on doit écouter ses parents, et la petite fée pensait que jamais elle ne monterait sur un vélo. Elle essayait de se consoler en jouant avec son petit chat, qui était magique, et qui pouvait changer de couleur, lui lire ses emails et jouer aux petits chevaux.

La maman de la petite fée attendait un bébé fée. Un matin, elle annonça que le bébé allait arriver. Le papa de la petite fée voulut aller chercher le docteur, mais malchance ! Un nuage de cendres dans le ciel empêchait toutes les fées de décoller. Affolé, le papa de la petite fée voletait partout dans la maison en se lamentant en répandant des paillettes toutes dépareillées.

Personne ne s’occupait de la petite fée, debout dans un coin du salon décoré de corail rose. Elle était toute désolée de voir son papa inquiet et cherchait comment elle pourrait l’aider. Soudain, elle eut une idée.
Sans bruit, elle sortit par la porte de l’appartement et commença à descendre l’escalier. Elle n’était jamais passée par là : d’habitude elle sortait en volant depuis la terrasse. L’escalier était raide, ça sentait une drôle d’odeur de cuisine chinoise et elle avait un peu le vertige. Mais elle continua de descendre en se cramponnant à la rampe. Tout en bas, il y avait une porte. Elle la poussa, et se retrouva dans la rue.

Elle n’attendit pas longtemps avant de voir passer le petit garçon sur son vélo. Elle était timide, mais elle trouva assez de courage pour l’appeler de toutes ses forces. Surpris, il s’arrêta dans un dérapage.
- T’es qui, toi ?
- Bonjour, je suis la petite fée, j’habite au dernier étage.
- Tu serais pas la crâneuse qui ne parle jamais aux autres enfants ?
- Heu… En fait mes parents m’ont mise dans une autre école, et ils ne veulent pas que je vienne jouer dans la rue…
- Qu’est ce que tu veux ?
- Ma maman va avoir un bébé, est ce que tu peux m’emmener chez le docteur ?
- Pourquoi tu ne peux pas y aller toute seule ?
- C’est trop loin et je ne peux pas voler aujourd’hui. Si tu m’aides, je te donnerai un chat magique. S’il te plaît…
Le petit garçon réfléchit un instant puis répondit :
- Bon, d’accord. Monte sur mon porte-bagage.

La petite fée s’installa sur le vélo derrière le petit garçon et se cramponna très fort. Ils démarrèrent en trombe et filèrent à toute vitesse dans les ruelles. La petite fée battait des ailes pour que le vélo aille encore plus vite. Ils laissaient un nuage de paillettes derrière eux et les gens disaient :
- Ho, regardez, un vélo qui fait des paillettes ! Ce doit être pour fêter la journée mondiale du disco.
La petite fée oublia qu’elle était inquiète pour sa maman et son papa, et commença à vraiment s’amuser. Elle faisait enfin du vélo !

Rapides comme ils étaient, ils arrivèrent chez le docteur. Bien sûr, c’était un docteur spécial pour les fées. Quand la petite fée lui eut expliqué ce qui se passait, il monta sur sa licorne arc-en-ciel et suivit les deux enfants sur leur vélo, qui montraient le chemin.

La petite fée emmena le docteur par l’escalier jusqu’à l’appartement, elle alla chercher son chat magique et redescendit dans la rue pour le donner au petit garçon. Ce dernier le regarda un moment changer de couleur, puis décida :
- Je te remercie, mais ma sœur est allergique aux poils de chat, et même s’il est magique, je crois que mes parents ne voudront pas le garder. Mais à la place, j’aimerais bien que tu viennes jouer dans la rue, de temps en temps.
La petite fée promit qu’elle viendrait, puis elle rentra chez elle. Le docteur était parti, et ses parents l’attendaient pour lui présenter le nouveau bébé. C’était un petit frère fée. Il avait deux jolies ailes roses.
- Je l’aime bien, dit la petite fée. Il faudra lui offrir un vélo.
Et ses parents n’osèrent rien dire du tout.

La petite fée alla souvent jouer dans la rue, avec son petit frère, et ils faisaient des tours sur un vélo qui avait un gros klaxon et qui faisait des paillettes de toutes les couleurs.

J’ai inventé ce conte dans le cadre d’un merveilleux atelier d’écriture que je fréquente chaque semaine à Grenoble. Une demi-douzaine de gens très différents, mais super intéressants, se réunissent pour écrire des textes sous la houlette d’une truculente comédienne. Nous ne jugeons jamais mais profitons simplement de l’imagination des uns des autres.
J’aime bien ma petite fée rebelle, et j’ai demandé à ma copine Catz de l’illustrer. Comme ça, gratuitement, parce que je suis super gonflée et que j’ambitionne non pas de m’enrichir, mais seulement de pouvoir l’offrir aux petits n’enfants que je connais, avec de belles images. Cela dit, elle n’est pas possessive et ne voit pas d’inconvénient à ce que je recrute d’autres dessinateurs. Alors, si vous aimez ce petit conte et que vous avez un bon coup de crayon, envoyez-moi vos contributions. Je vous promets une rémunération nulle, une gloire limitée au cercle de mes nièces et neveux d’adoption - et des vôtres, et l’assurance de ma reconnaissance éternelle et admirative vu que contrairement à ce que pense ma mère, je ne suis pas foutue de faire un dessin présentable.
Écrivez à filleauxcraies@gmail.com !

17

05 2010

Du cœur au ventre

Longtemps je me suis couchée de bonne heure j’ai eu peur de ne jamais avoir d’enfant. Pour de réelles et solides raisons. J’étais tombée à onze ou douze ans sur quelque chose que je n’aurais pas dû lire, et je n’osais poser de question à personne, par peur de peiner mes parents, et de recevoir la confirmation que j’avais bien compris ce que j’avais lu. Dans le même temps, je n’ai jamais pu imaginer, planifier ma vie dans l’idée que je ne serais pas mère. J’avais donc rangé le souvenir de cette lecture quelque part dans un coin, je savais qu’il était là, mais je refusais d’en tenir compte quand je me projetais dans le futur. Une vie sans enfant n’était pas envisageable. Toute comme une vie sans sexe.

À l’âge où tout s’est mis en place pour que faire un bébé soit enfin possible, mon angoisse et mes espoirs se sont télescopés pour donner un mélange explosif. C’était l’heure de vérité. Soit ça passait, soit ça cassait. C’est moi qui me serais brisée en mille morceaux si mes espoirs avaient été déçus - sachant que par dessus le marché, les portes de l’adoption me sont fermées. J’aurais sûrement recollé les morceaux et reconstruit ma vie autrement, parce qu’elle avait déjà du sens quand j’étais nullipare, et que j’aurais pu cultiver ce qui me restait, mais je range le mal d’enfant dans les maux les plus douloureux qu’il est possible de vivre.

Bien entendu, je ressens une empathie particulière pour toutes les personnes qui en souffrent. L’adoption, la FIV sont des parcours du combattant - quand on y a accès. Et là, on arrive au sujet qui m’amène aujourd’hui : le recours à une mère porteuse, dont on parle de temps à autre et de plus en plus ici et là.

Jusqu’où peut-on aller pour avoir un enfant ? On dirait le titre d’un reportage M6 mais je me demande si moi, en dernier recours, j’aurais été capable de louer le ventre d’une inconnue contre salaire.
Souvent on préfère parler d’indemnités, arguant qu’on ne paye pas pour la location de l’utérus, mais en dédommagement des désagréments occasionnés par la grossesse. On espère ainsi qu’on le fait par altruisme, et non pour de l’argent. En Ukraine une femme touche l’équivalent de 10 ans de salaire pour porter l’enfant de quelqu’un d’autre. 10 ans de salaire. De l’altruisme, hein ? Mais qui se propose, qui n’a pas besoin d’argent ? Vendre son corps, pas pour 20 minutes, mais pour 9 mois 24h/24, mettre sa vie en danger, risquer des complications variées, de l’épisio qui dégénère en incontinence fécale à heu… la mort sur la table d’accouchement. Qui va le faire pour le plaisir de contenter un couple inconnu ? Et quelle est la valeur marchande d’un tel service ?

On va dire que ça fait partie de la liberté individuelle pour ses femmes de louer leur utérus. Moi qui suis déjà choquée par les extensions en cheveux naturels, ça me fait un peu mal aux seins, cet argument. La liberté, c’est beau, mais peut-on autoriser les gens à disposer des parties de leur corps comme d’un bien matériel commercialisable ? La loi française stipule que « aucun paiement, quelle qu’en soit sa forme, ne peut être alloué à celui qui se prête au prélèvement d’éléments de son corps, ou à la collecte de ses produits ». C’est ainsi que le don d’organe, de sang ou de lait maternel est un acte libre et gratuit.

Elles ont besoin de cet argent pour vivre, tout comme les Indiens qui vendent leur rein ? Il faut leur laisser cette possibilité de s’en sortir ? C’est cela que l’on propose aux pauvres, de monnayer leur corps pour survivre ? N’est-elle pas indigne, une société si inégalitaire qu’elle conduit les pauvres à vendre leur corps aux riches ? Il est vrai que ce mode de fonctionnement en arrange certains. Changer les choses revient à modifier complètement la marche du monde.

Et pour quoi achète-t-on la grossesse d’une femme ? On nous parle de “la seule chance pour certaines femmes d’avoir un enfant”. Pourtant, l’adoption existe. C’est si important d’avoir un enfant avec ses gènes à soi ? Oui, c’est rigolo quand les gens nous font remarquer à quel point Nibbler nous ressemble. N’empêche que mes trois cousins et cousines adoptés ont toujours été et seront toujours MES cousins, et les enfants de mes oncles et tantes. Je ne trouve pas le “plus produit” d’une gestation extérieure, en tout cas rien qui surpasse l’inconvénient majeur d’exploiter une étrangère jusque dans ses muqueuses.

En France, il se pratique des dons de reins de donneur vivant. Le don est strictement gratuit et ne peut provenir que de la famille ou d’une personne vivant depuis au moins deux ans avec le receveur. Le corps n’est pas monnayé. La commune humanité et - on le suppose - l’amour ou l’altruisme sont les seules motivations du donneur. En cherchant à me renseigner sur le don d’organe, j’ai trouvé une publication* qui signale que “la motivation des donneurs est toujours très forte, les regrets après le don sont rares et les relations entre donneur et receveur sont après la greffe généralement bonnes et renforcées.”

Dans le même esprit, je vois d’un bon œil qu’une sœur, une cousine, une amie proche porte l’enfant d’un couple avec lequel elle entretien un lien affectif : un don qui peut être un acte d’amour. Le lien est conservé avec l’enfant, qui connaît son histoire. Il sait d’où il vient, elle sait où il va. Bien sûr, il peut exister des jalousies, des pressions au sein de la famille (dans le cas du don de rein, le donneur est examiné sous toutes ses coutures psychiques pour vérifier qu’il est bien libre). Mais je ne ressens pas l’indignation et le dégoût que m’inspire la location rémunérée d’un utérus. Tout comme je suis pour le don d’organe, et révoltée par le trafic d’organes. Techniquement identiques, humainement opposés.

Cela vient probablement de ma conception un peu élastique des liens familiaux. Comme je l’ai dit, j’ai trois cousins adoptés. Deux autres ne sont pas biologiquement mes cousins. J’aime comme un frère et une sœur des gens qui n’ont pas les mêmes parents que moi. Ce n’est finalement pas si important pour moi de savoir qui est génétiquement lié à qui. Si je le pouvais, peut-être que je voudrais porter l’enfant de ma sœur. Il serait son enfant, à elle. Mais j’aurais fait ça pour elle, et j’aurais une raison d’aimer mon fœtus.

Autrement dit, je souhaite que l’on soutienne l’adoption autant que possible, y compris pour les couples homos. Pour ces derniers, donner un cadre aux situations de coparentalité, qui existent dans la vraie vie, mais pas pour la loi. Envisager le don de grossesse en s’inspirant du don d’organe avec donneur vivant. Mais ne permettre en aucun cas le commerce humain, qui ne profite qu’aux riches, et qui entache l’humanité de la société tout entière.

Alors, un enfant n’est pas un rein. Ne dit-on pas d’une chose qui coûte très cher, que “ça coûte un rein” ? Un enfant ne vaut-il pas infiniment plus qu’un organe inerte ? Bien sûr que si. Et c’est pourquoi on ne peut que le donner, et non le vendre.

* Michèle Kessler, Aspects psychologiques de la transplantation rénale avec donneur vivant
Néphrologie & Thérapeutique
Volume 4, Issue 1, February 2008, Pages 52-54

14

05 2010

Histoire de levrette

Je vous fais un article édifiant sur le rejet de la subversion conventionnelle et d’une vie organisée autour de l’argent, et tout ce que vous retenez, c’est cette histoire de levrette. Vous êtes quand même pas croyables - (mauvaise foi).

C’est un peu ennuyeux, voyez-vous, parce qu’il se trouve que j’ai une vie IRL - In Real Life pour les nullos. Et IRL, je rencontre des gens. Et là, je viens de donner l’adresse de ce blog à une personne à qui j’ai plus ou moins promis qu’on y trouvait que des articles formidablement instructifs et pétris de haute pensée philosophique, non pas un journal intime et du tripotage de nombril.

Bon, finalement, pour le nombril ça devrait aller, le sujet nous emmenant vers de tout autres horizons.

La scène a lieu en décembre 2004. Nous étions conviés chez M² autour d’une raclette. Nous étions huit. Soit Ceth, Math, Supermar et moi-même, quatuor de soirées pyjamas depuis 1998, c’est à dire une époque où 3 d’entre nous n’avaient pas leur bac et quelques unes (honteux euphémisme) étaient encore pucelles. Nous nous étions rencontrées à l’aumônerie du lycée - détail de combien d’importance ! Les quatre autres protagonistes étaient nos jules respectifs.

Nous devisions gaiment en faisant couler de scandaleuses quantités de fromage fondu sur d’odorantes patates. A un moment dans la conversation, Ceth et GrandJo nous racontent qu’il ont pour voisins de palier une paire de missionnaires mormons. GrandJo n’étant pas réputé pour son tropisme pour les religions, je commençais un peu à me marrer.

(Il faut savoir que GrandJo, issu d’un tout autre groupe d’amis de Ceth, et anti-clérical contagieux, se méfiait un peu, je crois, de notre bande de fanatiques. On était MÊME allés aux JMJ en 2000 ensemble - sauf L’Ogre, autre pièce rapportée par Supermar, qui était plutôt de la même trempe que GrandJo. Doudou étant catholique, je ne sais quelle idée GrandJo se faisait de notre vie sexuelle et de mes connaissances - pourtant encyclopédiques - en la matière).

- Ils sont super bizarres les mormons. Ils ont des costumes, ils sont toujours deux dans l’appart. Ils ne parlent pas français. Et sur leur porte, c’est écrit “Missionnaires” ! Alors tous les jours tu passes, tranquille, dans l’escalier, et tu vois cette pancarte avec “Missionnaires” dessus !

Levant le nez de mes cornichons, je lâchais spontanément :

- Vous n’avez qu’à écrire “Levrettes” sur la vôtre.

Cette réplique parfaitement facile, le minimum syndical de la déconne, eu l’effet d’une bombe sur GrandJo. Il ouvrit des yeux grands comme la rosace de la cathédrale de Chartres et son visage devint d’un violet tout à fait liturgique. On aurait dit que je venais de lui jeter de l’eau bénite au visage. Moi, Sainte Maggie, j’avais dit “levrette” ! Et sur un ton parfaitement normal ! Il n’y avait donc plus de catholique en ce bas-monde ! Il en abjurait tout son catéchisme athée, le pauvre.

Nul besoin de préciser que je me moquai copieusement de lui, ce qui ne l’empêcha pas de me regarder bizarrement toute la soirée, comme si j’allais me changer en quelque chose.

Épilogue : mes rapports avec GrandJo sont devenus parfaitement amicaux. Je ne manque jamais de le saluer d’un “Bonjour ma petite levrette !” et nous nous tapons sur le cul. Ce qui ne m’empêche pas de comploter sur sa mort afin que je puisse enfin épouser Ceth et toucher plein d’allocations familiales.

Épilogue bis : nous avons eu depuis, nous aussi, des mormons pour voisins. Un beau jour, l’un d’entre eux est même venu faire caca chez moi. C’est vrai qu’ils étaient un peu bizarres. “Missionaires” était inscrit sur leur porte. Je n’ai JAMAIS osé écrire ce que vous savez sur la nôtre.

03

05 2010
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