Archive for juin, 2011

Maternage : une couche lavable quand je veux, si je veux

L’autre jour ma copine Sasa a écrit un article de blog sur le maternage et elle a eu 200 commentaires. Comme moi aussi j’en veux plein plein plein ça m’a donné envie d’en parler et de lui expliquer mon point de vue sans lui sauter à la gorge comme l’ont fait beaucoup de personnes, je ramène mon grain de sel.

Je me souviens d’un temps lointain (disons entre 14 et 22 ans) où je n’avais pas d’enfant, mais où je SAVAIS comment en élever un. Je me souviens avoir commenté finement les pratiques des mamans autour de moi par des :
- “Mais pourquoi elle va acccoucher dans une clinique aussi loin de chez elle, c’est débile !”
- “Mais pourquoi elle fait des petits pots maisons, c’est débile !”
- “Moi j’ai eu des fessées et ça m’a pas tuée, hein.”

Et, tout comme j’avais peuplé mon premier appartement d’objets incongrus mais que j’achetais uniquement parce que s’ils existaient, c’est que je devais en avoir besoin (un œuf désodorisant pour le frigo - moi qui n’ai pas d’odorat ! Une lessive pour le blanc, une lessive pour le noir, un savon pour le visage, un savon pour le corps, un savon pour la foufoune…), je pensais que la puériculture exigeait toute une panoplie obligatoire et onéreuse et cette idée était directement connectée dans ma tête au mème sacré de “deux CDI pour un bébé”.

Et puis j’ai eu un mari, qui a déboulé un jour dans le bureau en disant “Maggie, ma bien-aimée, étoile de ma vie, j’aimerais qu’on fasse plus attention à l’écologie”. Comme j’obéis au doigt et à l’œil de mon époux, je me suis mise à surfer sur internet pour savoir comment nous y prendre, et j’ai découvert qu’il ne suffisait pas de remplacer ses ampoules à incandescence par des ampoules à économie d’énergie et à fermer le robinet quand on se lave les dents. J’ai découvert le blog de Raffa, acheté plein de vinaigre blanc, et sur les forums dédiés j’ai appris l’existence de la mooncup, des écharpes de portage et des nouvelles couches lavables. A l’époque, nous n’avions pas encore lâché le mème des deux CDI mais le projet d’un bébé devenait de plus en plus présent et je me suis beaucoup intéressée à ce qu’on appelle le maternage, surtout parce qu’il était beaucoup question d’allaitement et que j’avais depuis toujours prévu d’allaiter mes enfants.

Selon le site web de la faculté de médecine de l’Université de Rennes, le maternage désigne un “ensemble de soins corporels donnés à une personne dans un climat protecteur et affectif qui évoque le comportement d’une mère à l’égard de son enfant.” Pour ce qui nous occupe, il s’agit plutôt d’un ensemble de pratiques de puériculture regroupant généralement : l’allaitement longue durée, le portage, le liniment oléocalcaire, les couches lavables - voir l’hygiène infantile naturelle, c’est à dire la vie sans couches - et une éducation non violente, c’est à dire ni claques ni fessées et pas non plus de vociférations du style “espèce de sale petit gnome je vais te couper le zizi si tu continues à dessiner sur le mur”. Accouchement naturel, voire école à la maison sont aussi de la partie. Alors, je n’ai jamais bien vu le rapport entre couches lavables et refus des baffes, mais toutes ces items avaient le point commun et le mérite de remettre en question tout ce que je croyais savoir sur l’élevage de bébés. Et vu l’environnement dans lequel je me suis trouvée lorsque je suis enfin tombée enceinte, c’est à dire un milieu professionnel exclusivement féminin où plusieurs naissances par an donnaient lieu à des poncifs sans fin autour du café matinal (”pas trop les bras, sinon il va s’habituer” - “toi tu veux allaiter mais c’est trop fatigant !” - “les gosses d’aujourd’hui ils ne reçoivent pas assez de claques”) il m’a été salutaire d’avoir un autre modèle à suivre, ou pas.

Finalement, nous avons choisi presque toute la panoplie : allaitement exclusif jusqu’à 6 mois (auquel j’ai mis fin préventivement par rapport à ma santé et à mes traitements, à mon grand regret), liniment et savon d’alep, couches lavables, portage en écharpe, pas de petits pots industriels (mais pas de purées, en fait, il faudra que je vous raconte le truc extraordinaire que ma belle-sœur nous a ramené d’Angleterre, qui s’appelle baby led weaning, ou diversification autonome en français), chaussons souples, ne jamais laisser pleurer… et jamais de fessée. Tout cela fait de nous de parfaits bobos, mais nous a rendu parfaitement heureux avec notre moustique. Et quand on voit le moustique, je ne pense pas que l’on puisse supposer que nous nous en sommes mal tirés. Pour l’instant.

En lisant l’article de Sasa, qui pense que le maternage (en particulier l’allaitement long et l’idée que pour faire tout le pataquès, il faut que bobonne reste au foyer) participe d’un courant réac et esclavagiste (”tout pour mon enfant”), je me rends compte que les options “maternantes” que nous avons adoptées nous apparaissaient avantageuses d’abord pour nous, plus que pour Nibbler. Je n’ai pas allaité parce que je pensais que c’était mieux pour elle - il n’est pas impossible que le lait de femme soit le mieux adapté au bébé humain, et je crois au coup des anticorps qui protègent un poil quand même, mais honnêtement, les bébés au biberons s’en sortent très bien. J’ai allaité surtout et en premier lieu parce que j’en avais follement envie depuis longtemps. Et le fait que ce soit terriblement pratique (rien à trimballer, pas de vaisselle !) et totalement gratuit (allez voir le prix du lait 1er âge) ne gâchait rien. Je n’ai ressenti aucune pression me poussant à allaiter (peut-être parce que j’en avais envie, certes), aucune de mes collègues n’ayant allaité plus de deux jours (ça faisait mal et on n’allait pas chercher plus loin), aucune ne voulant comprendre que NON je n’avais pas besoin de leurs biberons d’occasion et que NON je ne savais pas combien elle prenait et que OUI je m’en fichais. Je n’ai pas non plus eu de réflexions comme quoi j’allaitais trop longtemps, ou alors j’ai oublié ou alors ils sentaient pas bon, mais il faut dire que je suis très peu sensible à la pression.

Concernant le portage, nous avons vite mis de côté la poussette tank que nous avions tout de même achetée : un deuxième étage en colimaçon sans ascenseur, une ville pleine de trottoirs étroits et de pavés ont eu raison de nos grosses roulettes. Avec une écharpe, on voyage léger et tout-terrain, et on a les mains libres (jamais compris comment pousser un landau en tenant un parapluie), et bébé a le choix entre dormir comme un sourd ou observer tout autour de lui avec un petit œil en coin vraiment charmant. Et il est protégé des mains crochues qui voudraient lui pincer les joues ou lui éternuer au visage. Doudou quant à lui était ravi quand je lui ai expliqué que les mouvements de Nibbler dans l’écharpe étaient pratiquement identiques à ce que je ressentais quand elle bougeait dans mon ventre. Il a fait la vaisselle et passé l’aspirateur avec l’écharpe, et au lieu d’un bébé hurlant dès qu’on voulait faire un truc dans la maison, on avait un bébé détendu tout content d’être contre papa et maman. Et bien que nous l’ayons portée énormément et jamais, jamais laissée pleurer (nous n’en étions pas capables), elle a manifesté très vite une indépendance confondante. A 18 mois, elle se barrait à l’autre bout de la plage pour discuter le bout de gras avec des grands-mères attendries qui lui offraient des arrosoirs. J’étais bien contente d’avoir coupé court au discours du “pas trop les bras !” car il ne correspondait pas du tout à notre instinct de parents et au final, ça nous a réussi à tous.

Concernant les couches, je n’ai jamais pensé que les lavables étaient mieux pour les fesses de Nibbler, mais ma conscience écologique tiquait vraiment sur les jetables, les tonnes de plastiques qui ne se dégradent ni se recyclent, et le prix que ça coûte. Pour une adepte de la mooncup, la question des couches lavables ne pouvait être évitée. Ce que j’ai vraiment aimé avec les lavables, outre qu’elles sont super jolies, c’est le côté “on fait tourner”. J’ai eu un lot de Fuzzy taille S acheté d’occase, qui a servi 6 mois à Nibbler, puis à sa cousine, puis à un autre bébé. Maintenant elles sont fichues, mais pour un budget de base (couches neuves) d’environ 160 €, au moins 4 bébés ont été changés pendant plusieurs mois chacun. Le marché des couches d’occase est très riche, on achète, on revend, on teste les modèles et les coloris, on se fait vraiment plaisir.

Pour allez vite, on va dire que tout le reste, liniment (produit unique pour plusieurs usages, y compris le démaquillage de maman), savon d’alep (utilisé par toute la famille des pieds à la tête), absence de petits pots (et de purée, car quoi de plus emmerdant que de donner à manger à la cuiller à un bébé qui vous blebleffe tout dans la figure ?), tout a été choisi dans une optique de simplicité (le moins de matos possible) et d’économie, voire éventuellement d’amusement (pour la diversification autonome), mais pas tellement pour les privilèges de bébé. Concernant les chaussons souples, je n’ai jamais compris l’intérêt d’acheter des chaussures à des bébés qui ne marchent pas, et je ne peux croire que nous ayons besoin de chaussures rigides pour tenir debout.

Reste le pas-de-fessée, qui est le seul choix éducatif qui nous demande un effort consistant, car nous ne bénéficions de peu de modèles autour de nous. En effet, nous pensons qu’il est mieux de ne pas frapper notre fille, parce que nous voulons lui montrer qu’on ne peut taper les plus petits que soi et que la violence n’est pas une solution. Alors, parfois, on peut penser que certains caprices durent plus longtemps que si nous y mettions fin par une bonne rouste - et encore, j’en doute. Je vois bien parfois des regards un peu réprobateurs lorsque nous gérons une colère en public de manière non violente, j’entends les gens penser “moi je t’y mettrais une bonne claque”, mais je m’en tape. J’ai une capacité très confortable à me foutre de ce qu’on en pense et à ne jamais culpabiliser sur rien.

Le reproche principal, de tous les bords, quand on parle d’éducation, c’est le “discours culpabilisant”. On ne peut rien dire sans passer pour un grand méchant auprès de ceux qui font le contraire. Certaines maternantes (pour une raison inconnue les pères paternants sont absents du web - enfin, j’ai ma petite idée qui tourne autour du manque d’humour particulièrement épais des forums de mamans) ont une belle propension à dispenser leur vérité à grands coups de nénés dans ta gueule - on le voit dans les commentaires de l’article de Sasa. (Il faut dire que le maternage reste tout de même minoritaire et qu’on se prend pas mal de réflexion ahuries, ça explique peut-être une telle défensive, sans l’excuser). Sasa culpabilise quand on lui dit qu’elle ne fait pas ce qu’il faut. Moi pas.  Sur les trucs improuvables, genre “le portage en écharpe est mieux que le portage en Babybruc”, c’est votre ressenti qui compte. Si vous vous sentez mieux avec telle méthode, c’est vous qui avez raison. Par contre sur les faits avérés, je ne suis pas d’accord pour m’abstenir de dire que coucher sur le ventre est dangereux, que les lits autos sont dangereux. Les statistiques le prouvent. Si vous choisissez d’y aller quand même, vous avez certainement vos raisons mais ne venez pas me dire que le discours est culpabilisant. Si vous culpabilisez à tout bout de champ dès qu’un inconnu vous donne son avis plus ou moins pourri, le problème vient peut-être de vous. Je le sais, j’ai culpabilisé comme une malade à mon époque. Et puis j’ai compris que je faisais de mon mieux, et depuis, je suis libre.

Finalement, ce que j’ai retenu du parentage (puisque notre maternage se conçoit à deux avec ma moitié), c’est de ne pas avoir peur de se laisser bouffer par son enfant. Ne pas avoir peur de le consoler, de le porter, de dormir près de lui, de répondre à tous ses besoins, sans se dire qu’il va devenir le chef et nous pourrir la vie. Un enfant n’est pas un clébard, il a besoin d’être rassuré sur le fait que vous allez vous occuper de lui et il ne va pas prendre le pouvoir pour autant. Ne pas avoir peur de faire tout cela malgré les remarques éclairées des collègues, cousins, passants. Avoir confiance en son ressenti. Nous n’avons jamais laissé pleuré Nibbler et le fait est qu’elle n’a jamais beaucoup pleuré. Nous l’avons porté des heures durant et elle sait nous quitter avec le sourire. Je l’ai nourrie à la demande (d’ailleurs je n’ai jamais compris pourquoi un bébé au biberon ne pourrait pas être nourri à la demande) et elle ne m’a pas siphonné le cerveau, elle n’a pas changé mes seins en Nespresso, j’ai toujours mon intégrité. J’ai pris un congé parental de 6 mois, et je ne suis pas devenue qu’une mère, j’ai toujours mes centres d’intérêts d’avant, et de nouveaux depuis, je suis toujours la même personne. Nous ne la frappons pas, mais elle est civilisée, polie, compatissante et elle est plutôt très gérable pour une fille de 3 ans. Donc pour conclure avec Sasa : non, je ne suis pas d’accord avec toi, je n’y vois pas un esclavage. Sauf pour les gens stressés qui veulent trop bien faire et qui s’accrochent à des trucs qui ne leur correspondent pas et qui leur pèsent, c’est sûr. Si ça devient une contrainte, un challenge, un “je veux toute la panoplie pour être un parent parfait”, c’est tout pourri, je le conçois.

Alors, parents : desserrez le string, ne culpabilisez pas et faites ce que votre cœur vous dicte. Même si ça implique d’entendre des réflexions, et quoi que vous fassiez, vous en aurez à la pelle. Les bébés, ça titille tout le monde, même les ados qui n’en ont pas et qui disent :
“Mais pourquoi ils font comme ça ? C’est débile !!!”

09

06 2011
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