Archive for mai, 2011

Comment je me suis reproduite

Quand on est parent, se mettre au contact des idées de la mouvance No Kid, c’est un peu comme être maigre et lire un blog de “ronde” : solitude de la moule qui découvre la mouclade. Parce que lorsqu’on se réclame d’une attitude, d’une identité, d’un groupe particulier, on a vite fait d’être vexant envers ceux d’en face : les maigres sont d’affreux balais-brosses sans rapport avec une “vraie fâââme”, les procréateurs sont de faibles suiveurs de la pression sociale qui te pousse à faire des enfants.
Comme toujours, je m’étonne mais je crois qu’ils ont un peu raison : il sembleraient que certaines personnes font des gosses juste parce qu’ils en ont marre d’entendre “et vous, c’est pour quand ?” mais oui, ça m’épate toujours parce que personnellement, j’ai pas l’impression de faire ma vie pour faire plaisir aux autres. S’il y a des gens incapables de décider pour eux-même, j’ai vraiment de la peine pour eux (et j’espère que leurs parents ont honte). Mais je n’ai pas envie qu’on me mette dans le même sac parce que MOI, j’ai pris ma vie en main, Môssieur.
Juste après, je pense : “c’est bien ma fille, tu te crois maline mais est-ce que tu es si fortiche que ça ? Te voilà épouse, mère au foyer, il ne te manque que le labrador ; tu peux me dire en quoi tu es rebelle, un peu ?”
Mais oui, patate, je suis rebelle. Je me rappelle le visage consterné d’un copain de fac à qui j’annonçais que j’arrêtais les études de bio pour entrer sur le marché du travail en tant que technicienne de labo. Et l’incompréhension des recruteurs devant une fille qui prétendait jouer les petites mains alors qu’elle avait eu mention Bien au DEUG et que la voie vers la thèse était toute tracée. J’ai vraiment dû argumenter pour leur dire pourquoi je ne voulais pas devenir chercheuse (et chercher surtout un CDI pendant 10 ans). Pire encore, au bout de 18 mois de R&D je plaquais à nouveau tout pour finir secrétaire médicale. Horreur sociale.
Et puis je me suis fiancée à 19 ans, ce qui a beaucoup perplexifié mes parents et bien fait rigoler une bonne partie de ma famille élargie. Et quand je me suis mariée à 22, mes collègues m’ont poursuivie de leurs blagues et de leurs malédictions pendant des mois. Je n’avais pas vraiment l’impression de suivre un schéma tout tracé, mais bien de faire un truc carrément subversif. Je n’avais pas prévu tout ça, je trouvais cool de m’engager sérieusement avec quelqu’un, et puis j’aime bien quand les gens se marient, je me dis qu’ils ont des projets, je me fais moins de soucis pour eux.
Je refuse donc l’idée que je suis victime de quelque pression sociale que ce soit, j’estime que j’ai prouvé que j’y étais assez imperméable. Mais ça ne me dit pas pourquoi j’ai fait un enfant. Alors j’ai réfléchi à la question et j’ai trouvé ça…
J’ai fait un enfant - en vrac :


- pour reproduire un modèle que je vis comme positif.

Mes parents ont un enfant, ils n’ont jamais eu l’air de s’en plaindre. Ils étaient plutôt à regretter de ne pas en avoir plus, c’est donc que ça leur plaisait. Mes oncles et tantes ont tous des enfants, ça faisait des rimbambelles de cousins et des réunions de famille géniales.

- pour changer un peu
Jusqu’à 26 ans nous n’avions pas d’enfant et aucun de nos amis non plus. On se faisait des soirées loup-garou en buvant de la bière et on se couchait à 4 heures du matin ronds comme des queues de pelle. On rigolait bien. Maintenant c’est plutôt après-midi loup-garou et le jeu est interrompu toutes les 3 minutes parce que Zerbinette a piqué le ballon de Cléante et que Léandre a fait pipi dans son froc. On rigole toujours bien. Mais ça change. Ha, et le soir on est tous HS à 23h… même ceux qui n’ont pas de gosses. ça s’appelle la trentaine.
- pour voir Doudou en papa
Ce qui vaut le détour, je trouve. Et bien sûr, il faut sous-entendre notre enfant comme un projet à tous les deux.
- pour avoir un bébé
Quand j’ai appris dans un Astrapan comment on faisait les bébés, j’ai trouvé ça tellement cool que je n’avais qu’une hâte : avoir l’âge d’essayer. Et je parle du processus de A à Z, hein. C’est énorme de faire apparaître un être totalement nouveau à partir de deux moitiés de cellules qui ne servent à rien toutes seules. Le petit chose grandit et pouf ! ça devient une personne. C’est sûrement mon âme de biologiste qui veut ça, mais j’ai du mal à trouver un truc plus génial à faire. Je veux dire, tu peux bien réussir les lasagnes au poulet mais c’est quand même moins Frankenstein. Donc je voulais avoir un gros bide avec des coups de pied dedans, accoucher et donner le sein (parce que je trouve aussi génial qu’on puisse nourir un autre être humain pendant plusieurs mois avec… rien - pas vous ? Je vois. Vous êtes du genre blasé, c’est ça ?)

- pour revivre l’enfance
Vous allez me dire, c’est beau de vouloir un bébé mais un enfant ça grandit, c’est une responsabilité sur 25 ans blablabla. Bien sûr. Mais je vous rassure, quelques jours après mon retour de la maternité, j’ai eu un vertige à la Charles Bovary au-dessus du berceau. ça donnait quelque chose comme : “rhoooo mais elle va grandir et bientôt elle va parler et chanter ! Et elle va faire des dessins ! Et on pourra l’emmener au cirque ! Et au cinéma ! Et faire du manège ! Et elle saura lire ! Et… Qu’est ce qu’on va se marrer !” - je sais pas pour vous, mais j’ai de très bons souvenirs de mon enfance et j’étais un peu énervée de la perdre, et c’est super de pouvoir faire avec ton gosse ce que tes parents faisaient avec toi (même - surtout - descendre les alpages en faisant les gazelles volantes). Bon, à 30 ans, tu PEUX monter tout seul dans le petit train du parc Mistral ou acheter des Playmobil rien que pour toi, mais je suis pas sûre que ce soit aussi marrant sans une petite chose qui entre en transe dès que tu fais le moindre truc pour lui faire plaisir. Et puis faire un truc banal que tu as déjà fait 30 000 fois, comme prendre le TER, gagne une toute autre dimension quand tu emmènes ton gosse qui est juste HEU-REUX de poinçonner le billet. Bon, ça gagne en fatigue, aussi, hein. Mais j’avais raison : on se marre !

- parce qu’un enfant c’est quelqu’un
Quelqu’un d’un peu instable, certes, quelqu’un à gérer en permanence, un peu comme Dr House… mais en mignon. Quelqu’un qui a besoin de beaucoup de câlins et de beaucoup d’explications sur tout. Quelqu’un qui a peur la nuit et que tu dois consoler, quelqu’un qui se met vite à avoir des idées et des goûts personnels (mmmm, les robes de princesse !), quelqu’un qui a désespérément besoin de toi et dont tu as désespérément besoin malgré le fait que tu aies envie de le piler plusieurs fois par jour. Quelqu’un que tu aides à grandir, en espérant ne pas trop merder, et lui donner la force, la confiance… et suffisamment d’indépendance pour faire des choix personnels, en dehors de toute pression sociale, sur les trucs vraiment importants.

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05 2011
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