La petite fée qui voulait faire du vélo

Il était une fois une petite fée qui aurait bien voulu faire du vélo. Ses parents lui disaient :
“Ma chérie, tu es une fée, tu as deux jolies ailes transparentes, tu n’as pas besoin d’un vélo. Le vélo ne convient pas aux personnes de notre standing.”
Et ils partaient à des cocktails, décollant depuis la terrasse dans un nuage de paillettes roses et bleues, dans de superbes habits assortis.

La petite fée était bien triste. Elle regardait tout le temps, depuis la fenêtre de sa chambre, un petit garçon qui tournait dans la rue avec sa bicyclette. Il ne semait aucune paillette dans son sillage, mais il avait un klaxon qui sonnait très fort. Mais on doit écouter ses parents, et la petite fée pensait que jamais elle ne monterait sur un vélo. Elle essayait de se consoler en jouant avec son petit chat, qui était magique, et qui pouvait changer de couleur, lui lire ses emails et jouer aux petits chevaux.

La maman de la petite fée attendait un bébé fée. Un matin, elle annonça que le bébé allait arriver. Le papa de la petite fée voulut aller chercher le docteur, mais malchance ! Un nuage de cendres dans le ciel empêchait toutes les fées de décoller. Affolé, le papa de la petite fée voletait partout dans la maison en se lamentant en répandant des paillettes toutes dépareillées.

Personne ne s’occupait de la petite fée, debout dans un coin du salon décoré de corail rose. Elle était toute désolée de voir son papa inquiet et cherchait comment elle pourrait l’aider. Soudain, elle eut une idée.
Sans bruit, elle sortit par la porte de l’appartement et commença à descendre l’escalier. Elle n’était jamais passée par là : d’habitude elle sortait en volant depuis la terrasse. L’escalier était raide, ça sentait une drôle d’odeur de cuisine chinoise et elle avait un peu le vertige. Mais elle continua de descendre en se cramponnant à la rampe. Tout en bas, il y avait une porte. Elle la poussa, et se retrouva dans la rue.

Elle n’attendit pas longtemps avant de voir passer le petit garçon sur son vélo. Elle était timide, mais elle trouva assez de courage pour l’appeler de toutes ses forces. Surpris, il s’arrêta dans un dérapage.
- T’es qui, toi ?
- Bonjour, je suis la petite fée, j’habite au dernier étage.
- Tu serais pas la crâneuse qui ne parle jamais aux autres enfants ?
- Heu… En fait mes parents m’ont mise dans une autre école, et ils ne veulent pas que je vienne jouer dans la rue…
- Qu’est ce que tu veux ?
- Ma maman va avoir un bébé, est ce que tu peux m’emmener chez le docteur ?
- Pourquoi tu ne peux pas y aller toute seule ?
- C’est trop loin et je ne peux pas voler aujourd’hui. Si tu m’aides, je te donnerai un chat magique. S’il te plaît…
Le petit garçon réfléchit un instant puis répondit :
- Bon, d’accord. Monte sur mon porte-bagage.

La petite fée s’installa sur le vélo derrière le petit garçon et se cramponna très fort. Ils démarrèrent en trombe et filèrent à toute vitesse dans les ruelles. La petite fée battait des ailes pour que le vélo aille encore plus vite. Ils laissaient un nuage de paillettes derrière eux et les gens disaient :
- Ho, regardez, un vélo qui fait des paillettes ! Ce doit être pour fêter la journée mondiale du disco.
La petite fée oublia qu’elle était inquiète pour sa maman et son papa, et commença à vraiment s’amuser. Elle faisait enfin du vélo !

Rapides comme ils étaient, ils arrivèrent chez le docteur. Bien sûr, c’était un docteur spécial pour les fées. Quand la petite fée lui eut expliqué ce qui se passait, il monta sur sa licorne arc-en-ciel et suivit les deux enfants sur leur vélo, qui montraient le chemin.

La petite fée emmena le docteur par l’escalier jusqu’à l’appartement, elle alla chercher son chat magique et redescendit dans la rue pour le donner au petit garçon. Ce dernier le regarda un moment changer de couleur, puis décida :
- Je te remercie, mais ma sœur est allergique aux poils de chat, et même s’il est magique, je crois que mes parents ne voudront pas le garder. Mais à la place, j’aimerais bien que tu viennes jouer dans la rue, de temps en temps.
La petite fée promit qu’elle viendrait, puis elle rentra chez elle. Le docteur était parti, et ses parents l’attendaient pour lui présenter le nouveau bébé. C’était un petit frère fée. Il avait deux jolies ailes roses.
- Je l’aime bien, dit la petite fée. Il faudra lui offrir un vélo.
Et ses parents n’osèrent rien dire du tout.

La petite fée alla souvent jouer dans la rue, avec son petit frère, et ils faisaient des tours sur un vélo qui avait un gros klaxon et qui faisait des paillettes de toutes les couleurs.

J’ai inventé ce conte dans le cadre d’un merveilleux atelier d’écriture que je fréquente chaque semaine à Grenoble. Une demi-douzaine de gens très différents, mais super intéressants, se réunissent pour écrire des textes sous la houlette d’une truculente comédienne. Nous ne jugeons jamais mais profitons simplement de l’imagination des uns des autres.
J’aime bien ma petite fée rebelle, et j’ai demandé à ma copine Catz de l’illustrer. Comme ça, gratuitement, parce que je suis super gonflée et que j’ambitionne non pas de m’enrichir, mais seulement de pouvoir l’offrir aux petits n’enfants que je connais, avec de belles images. Cela dit, elle n’est pas possessive et ne voit pas d’inconvénient à ce que je recrute d’autres dessinateurs. Alors, si vous aimez ce petit conte et que vous avez un bon coup de crayon, envoyez-moi vos contributions. Je vous promets une rémunération nulle, une gloire limitée au cercle de mes nièces et neveux d’adoption - et des vôtres, et l’assurance de ma reconnaissance éternelle et admirative vu que contrairement à ce que pense ma mère, je ne suis pas foutue de faire un dessin présentable.
Écrivez à filleauxcraies@gmail.com !

17

05 2010

Du cœur au ventre

Longtemps je me suis couchée de bonne heure j’ai eu peur de ne jamais avoir d’enfant. Pour de réelles et solides raisons. J’étais tombée à onze ou douze ans sur quelque chose que je n’aurais pas dû lire, et je n’osais poser de question à personne, par peur de peiner mes parents, et de recevoir la confirmation que j’avais bien compris ce que j’avais lu. Dans le même temps, je n’ai jamais pu imaginer, planifier ma vie dans l’idée que je ne serais pas mère. J’avais donc rangé le souvenir de cette lecture quelque part dans un coin, je savais qu’il était là, mais je refusais d’en tenir compte quand je me projetais dans le futur. Une vie sans enfant n’était pas envisageable. Toute comme une vie sans sexe.

À l’âge où tout s’est mis en place pour que faire un bébé soit enfin possible, mon angoisse et mes espoirs se sont télescopés pour donner un mélange explosif. C’était l’heure de vérité. Soit ça passait, soit ça cassait. C’est moi qui me serais brisée en mille morceaux si mes espoirs avaient été déçus - sachant que par dessus le marché, les portes de l’adoption me sont fermées. J’aurais sûrement recollé les morceaux et reconstruit ma vie autrement, parce qu’elle avait déjà du sens quand j’étais nullipare, et que j’aurais pu cultiver ce qui me restait, mais je range le mal d’enfant dans les maux les plus douloureux qu’il est possible de vivre.

Bien entendu, je ressens une empathie particulière pour toutes les personnes qui en souffrent. L’adoption, la FIV sont des parcours du combattant - quand on y a accès. Et là, on arrive au sujet qui m’amène aujourd’hui : le recours à une mère porteuse, dont on parle de temps à autre et de plus en plus ici et là.

Jusqu’où peut-on aller pour avoir un enfant ? On dirait le titre d’un reportage M6 mais je me demande si moi, en dernier recours, j’aurais été capable de louer le ventre d’une inconnue contre salaire.
Souvent on préfère parler d’indemnités, arguant qu’on ne paye pas pour la location de l’utérus, mais en dédommagement des désagréments occasionnés par la grossesse. On espère ainsi qu’on le fait par altruisme, et non pour de l’argent. En Ukraine une femme touche l’équivalent de 10 ans de salaire pour porter l’enfant de quelqu’un d’autre. 10 ans de salaire. De l’altruisme, hein ? Mais qui se propose, qui n’a pas besoin d’argent ? Vendre son corps, pas pour 20 minutes, mais pour 9 mois 24h/24, mettre sa vie en danger, risquer des complications variées, de l’épisio qui dégénère en incontinence fécale à heu… la mort sur la table d’accouchement. Qui va le faire pour le plaisir de contenter un couple inconnu ? Et quelle est la valeur marchande d’un tel service ?

On va dire que ça fait partie de la liberté individuelle pour ses femmes de louer leur utérus. Moi qui suis déjà choquée par les extensions en cheveux naturels, ça me fait un peu mal aux seins, cet argument. La liberté, c’est beau, mais peut-on autoriser les gens à disposer des parties de leur corps comme d’un bien matériel commercialisable ? La loi française stipule que « aucun paiement, quelle qu’en soit sa forme, ne peut être alloué à celui qui se prête au prélèvement d’éléments de son corps, ou à la collecte de ses produits ». C’est ainsi que le don d’organe, de sang ou de lait maternel est un acte libre et gratuit.

Elles ont besoin de cet argent pour vivre, tout comme les Indiens qui vendent leur rein ? Il faut leur laisser cette possibilité de s’en sortir ? C’est cela que l’on propose aux pauvres, de monnayer leur corps pour survivre ? N’est-elle pas indigne, une société si inégalitaire qu’elle conduit les pauvres à vendre leur corps aux riches ? Il est vrai que ce mode de fonctionnement en arrange certains. Changer les choses revient à modifier complètement la marche du monde.

Et pour quoi achète-t-on la grossesse d’une femme ? On nous parle de “la seule chance pour certaines femmes d’avoir un enfant”. Pourtant, l’adoption existe. C’est si important d’avoir un enfant avec ses gènes à soi ? Oui, c’est rigolo quand les gens nous font remarquer à quel point Nibbler nous ressemble. N’empêche que mes trois cousins et cousines adoptés ont toujours été et seront toujours MES cousins, et les enfants de mes oncles et tantes. Je ne trouve pas le “plus produit” d’une gestation extérieure, en tout cas rien qui surpasse l’inconvénient majeur d’exploiter une étrangère jusque dans ses muqueuses.

En France, il se pratique des dons de reins de donneur vivant. Le don est strictement gratuit et ne peut provenir que de la famille ou d’une personne vivant depuis au moins deux ans avec le receveur. Le corps n’est pas monnayé. La commune humanité et - on le suppose - l’amour ou l’altruisme sont les seules motivations du donneur. En cherchant à me renseigner sur le don d’organe, j’ai trouvé une publication* qui signale que “la motivation des donneurs est toujours très forte, les regrets après le don sont rares et les relations entre donneur et receveur sont après la greffe généralement bonnes et renforcées.”

Dans le même esprit, je vois d’un bon œil qu’une sœur, une cousine, une amie proche porte l’enfant d’un couple avec lequel elle entretien un lien affectif : un don qui peut être un acte d’amour. Le lien est conservé avec l’enfant, qui connaît son histoire. Il sait d’où il vient, elle sait où il va. Bien sûr, il peut exister des jalousies, des pressions au sein de la famille (dans le cas du don de rein, le donneur est examiné sous toutes ses coutures psychiques pour vérifier qu’il est bien libre). Mais je ne ressens pas l’indignation et le dégoût que m’inspire la location rémunérée d’un utérus. Tout comme je suis pour le don d’organe, et révoltée par le trafic d’organes. Techniquement identiques, humainement opposés.

Cela vient probablement de ma conception un peu élastique des liens familiaux. Comme je l’ai dit, j’ai trois cousins adoptés. Deux autres ne sont pas biologiquement mes cousins. J’aime comme un frère et une sœur des gens qui n’ont pas les mêmes parents que moi. Ce n’est finalement pas si important pour moi de savoir qui est génétiquement lié à qui. Si je le pouvais, peut-être que je voudrais porter l’enfant de ma sœur. Il serait son enfant, à elle. Mais j’aurais fait ça pour elle, et j’aurais une raison d’aimer mon fœtus.

Autrement dit, je souhaite que l’on soutienne l’adoption autant que possible, y compris pour les couples homos. Pour ces derniers, donner un cadre aux situations de coparentalité, qui existent dans la vraie vie, mais pas pour la loi. Envisager le don de grossesse en s’inspirant du don d’organe avec donneur vivant. Mais ne permettre en aucun cas le commerce humain, qui ne profite qu’aux riches, et qui entache l’humanité de la société tout entière.

Alors, un enfant n’est pas un rein. Ne dit-on pas d’une chose qui coûte très cher, que “ça coûte un rein” ? Un enfant ne vaut-il pas infiniment plus qu’un organe inerte ? Bien sûr que si. Et c’est pourquoi on ne peut que le donner, et non le vendre.

* Michèle Kessler, Aspects psychologiques de la transplantation rénale avec donneur vivant
Néphrologie & Thérapeutique
Volume 4, Issue 1, February 2008, Pages 52-54

14

05 2010

Histoire de levrette

Je vous fais un article édifiant sur le rejet de la subversion conventionnelle et d’une vie organisée autour de l’argent, et tout ce que vous retenez, c’est cette histoire de levrette. Vous êtes quand même pas croyables - (mauvaise foi).

C’est un peu ennuyeux, voyez-vous, parce qu’il se trouve que j’ai une vie IRL - In Real Life pour les nullos. Et IRL, je rencontre des gens. Et là, je viens de donner l’adresse de ce blog à une personne à qui j’ai plus ou moins promis qu’on y trouvait que des articles formidablement instructifs et pétris de haute pensée philosophique, non pas un journal intime et du tripotage de nombril.

Bon, finalement, pour le nombril ça devrait aller, le sujet nous emmenant vers de tout autres horizons.

La scène a lieu en décembre 2004. Nous étions conviés chez M² autour d’une raclette. Nous étions huit. Soit Ceth, Math, Supermar et moi-même, quatuor de soirées pyjamas depuis 1998, c’est à dire une époque où 3 d’entre nous n’avaient pas leur bac et quelques unes (honteux euphémisme) étaient encore pucelles. Nous nous étions rencontrées à l’aumônerie du lycée - détail de combien d’importance ! Les quatre autres protagonistes étaient nos jules respectifs.

Nous devisions gaiment en faisant couler de scandaleuses quantités de fromage fondu sur d’odorantes patates. A un moment dans la conversation, Ceth et GrandJo nous racontent qu’il ont pour voisins de palier une paire de missionnaires mormons. GrandJo n’étant pas réputé pour son tropisme pour les religions, je commençais un peu à me marrer.

(Il faut savoir que GrandJo, issu d’un tout autre groupe d’amis de Ceth, et anti-clérical contagieux, se méfiait un peu, je crois, de notre bande de fanatiques. On était MÊME allés aux JMJ en 2000 ensemble - sauf L’Ogre, autre pièce rapportée par Supermar, qui était plutôt de la même trempe que GrandJo. Doudou étant catholique, je ne sais quelle idée GrandJo se faisait de notre vie sexuelle et de mes connaissances - pourtant encyclopédiques - en la matière).

- Ils sont super bizarres les mormons. Ils ont des costumes, ils sont toujours deux dans l’appart. Ils ne parlent pas français. Et sur leur porte, c’est écrit “Missionnaires” ! Alors tous les jours tu passes, tranquille, dans l’escalier, et tu vois cette pancarte avec “Missionnaires” dessus !

Levant le nez de mes cornichons, je lâchais spontanément :

- Vous n’avez qu’à écrire “Levrettes” sur la vôtre.

Cette réplique parfaitement facile, le minimum syndical de la déconne, eu l’effet d’une bombe sur GrandJo. Il ouvrit des yeux grands comme la rosace de la cathédrale de Chartres et son visage devint d’un violet tout à fait liturgique. On aurait dit que je venais de lui jeter de l’eau bénite au visage. Moi, Sainte Maggie, j’avais dit “levrette” ! Et sur un ton parfaitement normal ! Il n’y avait donc plus de catholique en ce bas-monde ! Il en abjurait tout son catéchisme athée, le pauvre.

Nul besoin de préciser que je me moquai copieusement de lui, ce qui ne l’empêcha pas de me regarder bizarrement toute la soirée, comme si j’allais me changer en quelque chose.

Épilogue : mes rapports avec GrandJo sont devenus parfaitement amicaux. Je ne manque jamais de le saluer d’un “Bonjour ma petite levrette !” et nous nous tapons sur le cul. Ce qui ne m’empêche pas de comploter sur sa mort afin que je puisse enfin épouser Ceth et toucher plein d’allocations familiales.

Épilogue bis : nous avons eu depuis, nous aussi, des mormons pour voisins. Un beau jour, l’un d’entre eux est même venu faire caca chez moi. C’est vrai qu’ils étaient un peu bizarres. “Missionaires” était inscrit sur leur porte. Je n’ai JAMAIS osé écrire ce que vous savez sur la nôtre.

03

05 2010

Les rêves homologués

De nos jours, une jeune femme moderne qui tient un blog doit aimer les bottes vintages pas étanches, porter une grosse frange, faire de la retape pour un max de sextoys et vomir sur les petites vies bien rangées des gens qui osent cultiver une vie de couple et/ou de beaux enfants blonds/bruns/roux/chauves et, pire : qui aiment ça.

Je reconnaît bien cet esprit auquel j’ai été confrontée très tôt, jusque dans ma propre famille (hum), esprit qui se veut follement subversif et qui se révèle après deux coups de cuiller cruellement conventionnel.

Ça commence à 16 ans, quand vous parlez de votre meilleur ami (hétéro) avec qui vous ne couchez pas. Les gens essayent de garder leur sérieux mais vous voyez bien qu’ils se moquent. Enfin, vous allez forcément coucher ensemble ! Les gens savent tellement mieux que vous ce qui va vous arriver. Vous n’avez que 16 ans, vous ne savez rien de la vie, même pas de ce que vous voulez. Rêver d’un garçon pour ami, si c’est pas un plan à la con !

À 17 ans, vous cherchez votre voie, vous n’avez pas trop trop envie de faire des études pendant un million d’années pour finir expat’ parce qu’il n’y a pas de boulot en France, vous pensez à optique - oh, pendant au moins un demi-quart-d’heure - on vous répond que mais, vous n’allez quand même pas faire un bac+2 de merde ! Vous dites “fleuriste”, on s’esclaffe : fleuriste, avec vos notes ! Non non non, il faut faire une prépa et une grande école, avec ça vous aurez un super diplôme et vous serez HEU-REUX.

À 19 ans, quand vous vous fiancez, on s’effarouche, mais enfin, des garçons il faut en essayer plein avant de trouver le bon, s’amuser, profiter de sa jeunaisse. Comment, vous n’allez pas habiter ensemble ? Petits bégueules, allez ! Vous ne gagnez pas votre vie et vous étudiez à plusieurs centaines de kilomètres l’un de l’autre ? Ne soyez pas de mauvaise foi. De nos jours, il faut habiter ensemble, pour se tester, voyons.

À 22 ans, vous vous mariez - vous gagnez votre vie depuis peu. Tous vos collègues se gaussent. Vous rêvez de vous marier juste pour la robe (on a du vous voir en robe environ 15 minutes au total depuis la fin de l’école primaire). Se marier, ça sert à rien. Tenez, regardez Eric, il s’est marié quand il a voulu acheter une maison. Vous êtes tellement jeune, de toute façon, vous ne savez pas ce que vous faites. Vous n’avez JAMAIS habité ensemble ???? Mais COMMENT vous allez savoir si vous allez vous entendre ?

À 29 ans, mère au foyer - donc : qui ne peut parler que de son gosse et dont le cerveau est tout ramolli parce qu’en dehors d’un travail de bureau il n’existe aucun moyen de faire fonctionner son intelligence - je suis le prototype de la fille rangée qui effraie tant les vingtenaires branchées.  J’ai en effet une vie de souffrance et de douleurs, à regarder Totoro en mangeant des BN, faire du vélo au soleil et monter avec Nibbler dans le petit train du parc Mistral. Je m’ennuie horriblement avec mon mari, depuis 12 ans (oui, finalement, on s’est bien entendu) qu’on s’aime béatement, c’est intenable. Mes amis sont prodigieusement barbants : pas un seul ne se drogue, et jamais de querelles de cul ! Et puis, ils sont bien trop nombreux, il faut leur payer à bouffer, à boire et des malabars avec des tatoos dedans, la plaie. D’ailleurs, je ne m’achète presque jamais de fringues, c’est tout à fait symptomatique de mon aliénation mentale.

Nonobstant,  j’ai encore quelques cartes pour faire un peu chier le monde. J’ai pratiquement fini de saboter toute éventuelle carrière, mais si on me demande avec trop d’insistance quand je compte bosser à nouveau, je sors ma botte secrète : j’aimerais surtout continuer de faire du bénévolat. Du bénévolat, holala ! Mais il ne faut pas se faire exploiter ma petite dame. C’est vrai que dès lors qu’on est salarié, on ne se fait plus exploiter du tout. Et moi j’aime prendre mes vacances quand j’ai envie, dix fois par an. Et on n’a PAS besoin d’un second salaire (que je ne pourrai pas garantir de toute façon).

Et puis il y a le coup de l’habitat partagé. Depuis que j’ai emménagé dans un immeuble où les voisins ne disent jamais bonjour, je me mets à rêver à une grande maison pleine de gens différents qui se donnent des coups de mains et partagent la perceuse et (sacrilège !) peut-être même (attention) la voiture. Là, c’est le bouquet. Enfin, un truc pareil, ça ne peut pas marcher, ça ne peut pas bien se passer, ce n’est pas raisonnable. Mais ça ne me fait pas rêver d’acheter une maison individuelle - Mais ce n’est pas une question de rêve, acheter c’est épargner, m’a t-on dit la semaine dernière.

Ok. J’ai pigé. Dans la vie, tu as le droit de rêver à trois trucs :

1/ Être alcoolique jusqu’à 30 ans
2/ Se marier - mais JUSTE pour acheter une maison
3/ Acheter une maison - mais JUSTE pour épargner

Et tu peux éventuellement prendre un crédit pour ta télé HD, ça fera plaisir à tout le monde.

Par contre si tu rêves d’un truc un peu original, un peu pas de ton âge ou un peu pas pour l’argent, on te regarde comme si t’avais dit “levrette”. Passé le premier hoquet de surprise, on te promets que ça ne se réalisera pas. Alors, toi, tu te tais… Tu penses à toutes ces choses qu’on t’avait promises, et tu te rappelles que non, les gens ne savent pas mieux que toi ce qu’il va t’arriver, et tu les laisses croupir au purgatoire des rêves homologués.

12

04 2010

Le bon gars (bis)

J’avoue, et j’en suis confuse, que jusqu’à présent je ne faisais aucun cas des mecs à lunettes.

Depuis mon enfance, j’ai toujours cru que les porteurs de lunettes étaient nés avec leur prothèse, et je n’ai jamais été capable d’imaginer leurs traits mis à nu. Les porteurs de lunettes me paraissaient sérieux de naissance, expérimentés, concernés, au-dessus du lot et totalement hors du champ de la séduction. Pour moi, ils étaient aussi érotiques que Tintin avec sa mèche : complètement asexués, complètement en deux dimensions. J’ai toujours été ahurie jusqu’à la suffocation de voir un binoclard ou une binoclarde ôter ses écailles et de découvrir un visage attirant : c’était donc des êtres humains, capables d’amour et de haine, et de tirer un bon coup ?

Je rassure les myopes, hypermétropes, astigmates et autres anthropopithèques : cette période d’indifférence est révolue. Mon homme, après trois ou quatre ans de conduite à l’oreille, selon mes indications - “Non, chéri, ce n’est pas l’entrée du parking, c’est Madame Bangione” - s’est enfin pris par la main pour consulter un ophtalmo et s’est laissé tenter par de superbes lunettes à monture rouge. Et devinez ? Il est terriblement, absolument, foutrement sexy avec ce truc sur la tronche. Je m’extasie et me pâme onze fois par jour. Je suis super amoureuse de mon binoclard.

A quelqu’un qui me demandait il y a quelques temps comment reconnaître le bon gars, je réponds : si je le trouve beau avec ses lorgnons, au bout de presque douze ans, c’est sûr une fois de plus : c’est le bon gars… pour moi :)

Épilogue : pour avoir depuis peu les yeux qui gondolent devant Victor Hugo, un peu jalouse de mon mari aussi, je me suis choisi également deux montures de bésicles, dont une qui me donnera exactement l’air d’une bibliothécaire lubrique. J’espère que les gens vont me trouver l’air ULTRA expérimentée maintenant.

09

03 2010

Interro écrite

Suite à mon article sur les 12 raisons pour que le mariage gay reste illégal, le dénommé MonsieurPoireau, (es-tu marié à Madame Brocolis Bio ?) me propose le commentaire suivant :

” En même temps, je trouve que passer des années à se battre pour faire accepter une sexualité différente pour finalement souhaiter finir en mari et femme, c’est beaucoup de bruit pour rien ! :-)) “

Cela m’a inspiré un sujet de dissertation :

“Soit une classe de CM1 comprenant 10% de gauchers. Pourquoi leur permettre d’écrire de la main gauche, puisqu’ils recopient le même poème que les autres ?”

Vous avez une heure.

06

03 2010

Le bon gars

Voilà plusieurs semaines qu’il me démange d’écrire un article sur le féminisme.

Tout a commencé quand j’ai acheté Elle, en novembre, dans l’optique de le découper pour faire un bricolage (de bon goût incertain) à offrir à ma belle-sœur pour son anniversaire. Bien sûr, je l’ai quand même survolé avant, étant une lectrice compulsive adepte des verso de paquets de céréales. J’ai bien ri, bien que jaunement, et j’ai failli en faire un post, mais j’ai eu peur d’accorder trop d’importance à un phénomène dont j’avais déjà parlé, et puis c’était bientôt Noël, j’avais un bricolage à faire, et la flemme de tout. Pour résumer, j’ai ri d’un article sur les “nouvelles féministes”, qui “étaient féministes” (c’est un minimum), mais n’étaient pas pour autant “moches, vieilles et frigides” - je résume - (donc les féministes sont par défaut moches, vieilles et frigides ?), et qui “aimaient le shopping” (sous-entendu : comme les vraies femmes). J’étais un peu gênée de voir le féminisme ainsi défendu contre des clichés dont je ne savais pas s’ils étaient finalement combattus ou bien instillés dans l’esprit du lecteur(trice) par une telle justification. J’étais évidemment colère de voir la conso érigée en caution de santé mentale. J’étais une fois de plus navrée de voir qu’un journal se disant féministe faisait cohabiter cette prétention avec des sujets de fond du type “notons la tenue de cette vedette” ou “comparons trois actrices qui portent la même robe”, entre deux pubs vantant la jeunesse et la minceur. Toujours le même topo, donc, et rien qui ne me rende l’envie de lire des magazines “féminins”.

Mine de rien, ça me trottait dans la tête, et j’avais quand même envie d’écrire ici que le féminisme, je ne sais pas bien ce que c’est. Je n’ai rien étudié sur la question, je ne sais rien. J’ai une vague idée du travail des militantes qui ont obtenu le droit de vote, le droit de ne plus être mineure à vie, le droit à la contraception et à l’avortement. Je sais que les chiffres montrent que les femmes ont plus de mal à faire une carrière et à être bien payées, et qu’elles se tapent le plus gros des tâches ménagères. Cependant, depuis ma vie à moi, tout cela paraît extrêmement lointain. Principalement parce que je suis la bénéficiaire chanceuse de l’évolution des mentalités. Élevée par un couple hétéro, je n’ai reçu en héritage aucun stéréotype sexuel concernant le comportement général ou le partage des tâches. J’ai toujours vu mon père cuisiner, passer la serpillère, peindre des fleurs sur des assiettes. J’ai toujours vu ma mère réparer la chasse d’eau, faire les comptes et se passionner pour l’informatique. Mes deux parents m’accompagnaient chez le médecin, faisaient mes tresses pour aller à l’école et se partageaient indifféremment nos deux voitures. Je voyais parallèlement que les choses ne se passaient pas toujours de la même façon ailleurs, et j’en ai déduit que les gens, hommes ou femmes, pouvaient avoir toutes sortes de rôles et de centres d’intérêt.

Avec Doudou, même topo. Bien qu’il travaille, et moi non, il se tape au moins la moitié des corvées domestiques. Il fait à manger, range la cuisine, descend les poubelles, va au Leclerc, et il a récemment investi le secteur de la lessive, qui est à l’origine mon territoire personnel. Comme il pèse 80kg et moi 40, dès qu’il y a un truc à porter, c’est pour lui. Avec Nibbler, il est aussi compétent que moi, change les couches, rince les couches lavables pleines de caca, a préparé les biberons, peut habiller le monstre et se montre extrêmement généreux en câlins, y compris la nuit. Intellectuellement, nous sommes sur un pied d’égalité incontestable. Je n’ai pas mon mot à dire dans les décisions qui concernent notre couple ou notre famille : elles sont forcément conjointes et nous fonctionnons comme un seul homme Homme.

Quant au monde du travail, je n’ai hélas pas d’expérience négative à ce niveau, n’ayant travaillé que peu de temps (3 ans au total) et dans des milieux très féminins (labo de recherche, association). J’ai juste ricané le jour où le disjoncteur a sauté et que toutes mes collègues couraient en tous sens en réclamant, éplorées, “un homme ! un homme !”. Rien de très grave, et surtout, rien à part une incapacité autogène.

Ceci explique pourquoi je me sens naturellement peu concernée par les combats du type “tous des salauds” et par les romans d’Etxebarria (ou les hommes sont soit des pères violents, soit des maris cocufieurs, soit de gentils homosexuels). Autant vous dire que ça m’a fait du bien de tomber sur deux lectures, le mois dernier. La première était un article dans le Monde Magazine sur Marc Lépine, assorti d’un panorama du masculinisme passé et présent. Le second était ce site web (j’en parle ici) se réclamant de la religion catholique, tendance intégriste maladif, dont j’ai compris, à l’éclairage de l’article sus-cité, qu’il était surtout l’œuvre d’un maboul ennemi de la gent féminine. Sans donner le lien et insister davantage dessus, ce qui ne ferait que donner trop d’importance à quelque chose qui n’en vaut pas la peine - et face à laquelle je ne compte pour rien, puisque femme - sachez qu’on peut y lire que “la preuve que l’homme est supérieur à la femme, c’est qu’il pisse debout, tandis que la femme fuit”. Vous avez donc une idée du niveau où se situe le débat, et de la vanité de croire qu’on peut faire changer d’avis ces gens-là.

Il existe donc des dingues qui en veulent aux femmes ; voilà qui calme mon insouciance de petite privilégiée épargnée par la guerre des sexes. Évidemment, je suis aussi au courant pour les femmes battues. Plus généralement et moins pathologiquement, je sais qu’il y a, plus ou moins proches de moi, des hommes qui souhaitent que leur femme reste à la maison ou qui refusent de porter les packs d’eau minérale. J’ai encore la naïveté de ne pas saisir comment on peut faire sa vie avec un pareil individu, et je l’admets sans comprendre. Mais je n’arrive pas à concevoir les rapports entre les sexes comme une guerre qu’il faut gagner.

L’autre jour, et tout l’internet en frétille, France Inter nous a infligé une journée Badinter, à savoir que la philosophe Elisabeth Badinter était l’invitée de presque toutes les émissions entre 8h et 19h, dans le cadre de la promotion de son livre « Le conflit, la femme et la mère ». Une telle plage horaire a permis plus le bourrage de crâne que le développement des théories présentées, car les mêmes idées sont revenues en boucle tout au long des programmes. Faites un tour sur les blogs pour vous faire une idée des réactions nombreuses ; par exemple, celle de NKM qui est personnellement visée dans le bouquin.

J’ai moi-même hoqueté plusieurs fois en entendant que l’allaitement était bon pour les sauvages des pays sous-développés et que l’ont faisait pression inutilement sur les femmes occidentales pour les y contraindre. Déjà, je ne sais pas dans quel pays vit Madame Badinter, mais parmi les nombreuses jeunes mamans que j’ai connues ces dernières années, la plupart n’a même pas essayé d’allaiter, arguant que ça fait mal, que c’est fatiguant et contraignant. Ceci m’a fait le même effet que les enfants que l’on n’a pas élevés dans la religion “pour leur permettre de choisir plus tard” : au final, ils ne connaissent rien et ne choisissent rien du tout. Comme Madame Badinter, je suis tout à fait d’accord pour que les femmes aient le choix entre sein et biberon. Mais comment savoir si a envie d’allaiter quand on n’a pas eu d’exemple, quand on ne sait pas comment ça se passe et quand on ne dispose que de l’expérience de nos mères qui, mal conseillées et dans la mouvance de la mode du biberon, n’ont pour la plupart jamais allaité plus de quelques jours ? Ce que j’ai constaté (ayant pour ma part grande envie d’allaiter pour avoir vu ma tante le faire avec succès et bonheur), c’est un manque terrible d’information des mères, conjoint d’un lourd défaut de formation des professionnels de santé. Pour avoir vécu un engorgement type Pamela deux jours après mon accouchement, je n’ai pas reçu de la part des puéricultrices et sages-femmes DEUX conseils analogues sur la conduite à tenir. Plusieurs de mes copines ont arrêté au bout de deux jours à cause des crevasses, alors qu’il s’agit d’une mauvaise position du bébé qui devrait être corrigée avec l’aide d’une personne qualifiée. Et qu’on ne vienne pas me dire qu’un allaitement raté, “ce n’est pas la fin du monde” (entendu sur France Inter jeudi), car pour une maman qui en avait vraiment envie, il est vraiment triste de ne pas y arriver et elle n’a pas besoin qu’on minimise sa déception de cette manière. Alors, liberté de choix, d’accord, mais pas sans information et sans accompagnement, et l’allaitement n’étant pas une chose instinctive ni facile, il peut demander de s’acharner quelque temps avant d’obtenir un résultat heureux, et c’est peut-être la conservation de cette motivation indispensable que l’on assimile à de la pression. Mais non, ce n’est pas important d’insister, le lait maternisé est là pour nous soustraire à toutes ces horribles contraintes. La conso comme libération, une fois de plus.

Mais en fait, que ce soit contre l’interdiction des échantillons de lait en poudre ou contre la mode des compotes bio maison, rien dans le discours de Madame Badinter ne reste mystérieux lorsqu’on apprend qu’elle est la principale actionnaire du groupe Publicis. Voilà pourquoi le courant écolo-maternant est désigné comme un affreux promoteur de la mère parfaite, celle qui allaite, porte son bébé et cuisine des purées, le vilain avatar qui fait culpabiliser les femmes normales. C’est sûr que quand on ouvre un magazine de puériculture conventionnel type Parents ou Famili, on n’est pas du tout agressé par les publicités vantant “le meilleur lait en poudre pour votre bébé” ou les “petits pots aux meilleures qualités nutritionnelles”.

Il est vrai que les annonceurs qui font de la pub pour leurs écharpes de portages et leurs couches lavables dans Grandir Autrement ne passent sûrement pas par Publicis. Donc, tout s’explique, du coup ce n’est donc pas très grave. Ça me chagrine qu’on tape sur l’écologie active au lieu d’en comprendre les enjeux, mais je m’en remettrai. Ça m’ennuie plus que l’on remballe cette auditrice qui dit qu’elle ne voit pas pourquoi les couches lavables seraient synonymes de retour de la femme aux corvées, puisque son mari à elle exerce pleinement sa capacité de les mettre dans la machine. Madame Badinter lui a répondu qu’elle était de toute évidence une exception, que l’on ne pouvait se servir d’un seul exemple pour absoudre l’idéologie naturaliste et qu’il fallait arrêter cinq minutes de déconner, on sait bien que la majorité des femmes se tapent la majorité des tâches ménagères. Donc, comme la majorité des pères sont des cons qui délèguent, toute préoccupation écologiste est à jeter. On ne peut pas imaginer une seconde que les hommes valent mieux que ça, et qu’ils sont capables d’évoluer ? L’homme qui, comme le mien, prend sa part de corvée, n’est qu’une exception, quelque chose qui ne compte pas, dont on a pas le droit de parler ? Il faut “culpabiliser les pères” ? On ne peut pas plutôt compter sur ceux de nos enfants pour propager un exemple de virilité ménagère ? N’en seront-ils pas capables ?

Non, je ne veux pas voir les hommes comme des ennemis, des incapables, des bons à rien dont on n’obtiendra rien sans passer par la force, fût-elle symbolique. Je préfère leur faire confiance et les laisser se débrouiller entre eux. Car ils sont aussi perdants dans les préjugés sexistes. L’autre jour, la directrice de la garderie a remis un tract à Doudou, pour un colloque sur l’éducation des jeunes enfants. En le lui donnant, elle a dit “tenez, ça intéressera sûrement votre femme”.

Et comme c’est un bon gars, il ne lui a même pas claqué la gueule.

(OMG, quelle tartine. Je finis en hypoglycémie. Je vais relire tout ça dans une heure et me rendre compte que c’est parfaitement incohérent. Pardon.)

13

02 2010

12 raisons pour que le mariage gay reste illégal

C’est bien vrai, l’intérêt de Twitter, c’est les liens. Entre la photo d’un pingouin déguisé en préservatif et un article sérieux sur ACTA, on peut trouver des choses du genre de celle ci, que j’ai envie de partager au point de vous concocter une petite traduction, car tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir Mr Whats comme prof d’anglais :

12 raisons pour que le mariage gay reste illégal

1/ L’homosexualité n’est pas naturelle. Tout comme les lunettes de vue, le polyester et la contraception*.

2/ Les mariages hétérosexuels sont valides parce qu’ils donnent des enfants. C’est pourquoi les couples stériles et les personnes âgées n’ont pas le droit de se marier, car le monde a besoin d’encore plus d’enfants.

3/ Il est évident que des parents homosexuels élèveront des enfants homosexuels, puisque les parents hétérosexuels n’élèvent que des enfants hétérosexuels.

4/ Le mariage hétérosexuel perdra tout son sens si l’on autorise le mariage gay. Y compris le mariage express de Britney Spears à Las Vegas.

5/ Le mariage hétérosexuel est une institution très ancienne à laquelle on n’a jamais touché. Les femmes sont encore la propriété de leur mari, un noir ne peut pas épouser une blanche et le divorce est illégal.

6/ Le mariage gay devrait être décidé par le peuple, pas par les courts, parce que ce sont les législateurs élus par la majorité, et non les courts, qui ont toujours protégé les droits les minorités au cours de l’Histoire**.

7/ Les religions sont contre le mariage gay. Or, dans une théocratie comme la nôtre, les valeurs d’une seule religion sont imposées au pays tout entier. C’est pourquoi nous n’avons qu’une unique religion aux USA.

8/ Le mariage gay va encourager les gens à devenir gay, de la même manière que la fréquentation de gens de haute taille peut vous rendre grand.

9/ Légaliser le mariage gay va ouvrir la porte à tous les abus. Certains vont réclamer de se marier avec leur chien, puisqu’un chien dispose d’un état civil et peut signer un contrat de mariage.

10/ Les enfants ne peuvent pas s’épanouir sans un modèle masculin et un modèle féminin à la maison. C’est pourquoi les parents célibataires n’ont pas le droit d’élever leurs enfants.

11/ Le mariage gay va bouleverser la société. Le mariage hétérosexuel est la norme depuis longtemps, et il ne nous est pas possible de nous adapter à de nouvelles normes sociales, puisque nous n’avons pas pu nous adapter à des choses comme l’automobile ou une plus longue espérance de vie.

12/ Les unions civiles, qui donnent à peu près les mêmes droits que le mariage mais sous un nom différent, sont à privilégier. Il est tout à fait constitutionnel de créer des institutions “égales dans la différence”. Les unions civiles réservées aux homosexuels fonctionneront aussi bien que les écoles réservées au noirs.

The Daily What, 3 février 2010

***

J’espère que vous serez indulgents pour la traduction, après tout, Mr Whats je ne l’ai eu qu’un an…

*NdT : heu, par contre là tu t’es un peu loupé, beaucoup de gens rejettent ET homosexualité ET contraception
** NdT : hum, j’avoue que je capte pas bien là, ça doit être un truc d’américain.

07

02 2010

C’est mon avis et je le partage

J’ai été élevée par une famille plus ou moins catholique. Sans détailler le parcours spirituel des mes parents, on peut dire qu’on a eu a cœur de me transmettre une foi, des valeurs, une culture, sans tomber dans le batracisme de bénitier. Mon pedigree est complet : baptême, première communion, profession de foi, confirmation - et mariage. J’aimais bien le caté (sauf que j’étais jamais dans le même groupe que mon amoureux) et j’ai été l’un des piliers de l’aumônerie du lycée. Cette dernière mériterait un billet à elle toute seule, je ne peux pas décrire en deux lignes ce que représentait pour moi ce groupe où je me sentais protégée de toutes les pressions extérieures, où je pouvais me montrer telle que j’étais, où j’ai respiré librement de 14 à 18 ans. Bon, il faut dire que c’est là que j’ai rencontré Doudou - ce qui dévoile l’une des motivations, et non la moindre, que nous avions pour nous y rendre…

Je connais plein de cathos. Des cathos coincés, des cathos décomplexés, des cathos chiants, des cathos qui font la poule folle, des cathos qui ne croient plus en Dieu dès qu’ils ont un malheur, des cathos qui ne peuvent pas s’empêcher de dire des choses comme “en union de prière”, des cathos qui lisent Famille Chrétienne, des cathos qui détestent Famille Chrétienne, des cathos qui croient aux apparitions, des cathos qui gardent de l’eau de Lourdes dans une bouteille en plastique en forme de vierge, des cathos qui trouvent ridicule de garder de l’eau de Lourdes dans une bouteille en plastique en forme de vierge, des cathos qui attendent le mariage, des cathos qui n’attendent pas, des cathos qui deviennent agnostiques, des athées devenus cathos, des cathos traumatisés par le catéchisme des années 50, des cathos qui font semblant de dormir le dimanche matin pour ne pas aller à la messe, des cathos qui idolâtrent le Pape, des cathos qui s’arrachent les cheveux à chaque fois que le Pape en remet une couche.

La religion, c’est comme le sexe : tout existe. La variété est la même : tant dans la fréquence, les positions, le matériel, que dans le degré d’obsession, la sincérité et le fait de prendre les choses très au sérieux ou de les dédramatiser. Comme j’ai admis que certaines personnes peuvent bander avec du mohair, je ne tique pas devant un chapelet. Quand nous avons fait escale à Heathrow en mars dernier, la première chose que j’ai vu en descendant de l’avion, c’était un type de la sécurité, en uniforme, avec un énorme turban rose. J’ai trouvé que ce n’était en rien choquant. Quand je fais mes courses, je vois un paquet de femmes voilées, et ça ne me fait pas friser les cheveux sur la tête. Quand Lily me raconte qu’en Angleterre, on joue la nativité dans les écoles publiques à Noël, je ne m’insurge pas. Je me crois plutôt tolérante envers ce qui concerne la religion.

- ce qui me fait peine, par contre, c’est de refuser à grand cri un steack parce que c’est vendredi, mais de choisir des crevettes et du saumon à la place : on affecte d’être très religieux, mais c’est du flan -

J’ai dit que j’admettais, c’est à dire que rien ne m’étonne et que les gens croient bien en ce qu’ils veulent ; par contre je ne comprends pas les gens qui ramènent tout à la religion. On l’a vu, des croyants j’en connais beaucoup, mais dans mon entourage proche, la plupart sont ouverts sur le monde. Ils écoutent toutes sortes de musique, voient toutes sortes de films, rencontrent toutes sortes de gens. Mais une autre espèce pense catho, lit catho, n’écoute que de la musique catho et ne va voir que des films en rapport avec la foi. Un nouveau chanteur chrétien ? Qu’importe que sa musique soit de la soupe rallongée d’eau bénite, si c’est catho, c’est bon. Tu n’as pas lu la dernière bio de Marthe Robin ? Rhoooooo mais je vais te la prêter. Je vais à des conférences sur le thème de la rédemption à travers les âges de la Bible, c’est passionnant, tu devrais venir !

Déjà, je me demande comment leur cerveau n’explose pas, à ne se nourrir que de choses édifiantes (j’ai la même question avec les intellectuels qui considèrent les films d’animations et la bande dessinée comme une perte de temps) . Ensuite, cette tendance à tout accommoder à la même sauce ne m’apparaît pas comme une manifestation de piété - ils ne sont pas meilleurs croyants que les autres - mais tout simplement comme une bête monomanie. Monomanie aux conséquences parfois risibles : vous avez déjà écouté du rock chrétien ? Moi, oui. Pendant 4 minutes. Et puis, il y a plein de gens à rencontrer qui ne partagent pas les mêmes centres d’intérêt et à se cantonner ainsi dans les bondieuseries, on rate beaucoup de choses. Moi, qui suis une personne merveilleuse, et tolérante comme j’essaye désespérément de le faire remarquer, je m’ennuie sévèrement face à quelqu’un qui ne me parle que de Medjugorje. Ou du festival de Chartres. Ou de ses séances d’adoration. Et donc, je ne vais pas lui parler ce qui me passionne : moi, mes nouvelles, mon blog, et mon dernier article dans lequel je compare audacieusement sexe et religion. Et il aura perdu quelque chose, vous pouvez imaginer !

Et puis, il y a les extrémistes. Je suis tombée l’autre jour sur un blog incroyable, qui se veut apparemment d’inspiration catholique, mais foi de première communiante, de ma vie je n’ai jamais lu des choses pareilles, même chez les tradis que j’ai déjà rencontrés en vrai ou sur la toile. Déjà, la lecture du blog est “strictement réservée aux Hommes (aux Mâles)”. Tout le reste n’est que tas de merde. Je cite : “Et ainsi en va-t-il dans toute la création, le Mâle domine la femelle qui a été tirée de Lui, à cause de Lui, pour Lui, ce qui nous fait voir le Lion rugissant, et la lionne craintive et tapie devant son Mâle, soumise”. Je passe sur le reste, placé “sous la protection de la Sainte Famille” - qui n’en demandait pas tant - et agrémenté de citations de Saint Macho et Saint Phallocrate, ça ne mérite même pas qu’en on parle - difficile à lire sans penser à un fake, d’ailleurs, mais en fait, je crois bien que non. Enfin, disons que le con qui délègue est dans les choux. Mais j’ai retenu cette phrase sur le lion parce que j’ai souvent entendu cet argument de “loi naturelle”, et pas que dans les milieux intégristes, malheureusement. Filons la métaphore. Si j’en crois Wikipedia, les jeunes lions éliminent les vieux lions pour prendre leur place à la tête du groupe, avant de massacrer les petits pour que les femelles soient fécondables plus vite afin de propager leurs gènes le plus tôt possible. Ça a l’air bien, non ? On fonde une religion ?

Dans le même registre des gens qui exagèrent avec la religion, j’ai bien aimé jeune fille au niqab chez Ardisson, qui n’est pas d’accord avec l’idée que les lois de la République passent avant les lois de la religion. Alors si ma religion m’impose d’immoler des chatons dans des parkings, il faut que la loi m’y autorise ? La fille, elle dit “il y a des règles, on les suit, on ne se pose même pas de question”. J’entends ça aussi chez certains cathos : si tu ne considère pas les préceptes du Vatican comme parole d’évangile, tu “fabriques ta propre religion”. Pourtant que ce soit chez les musulmans ou chez les cathos, l’essentiel de ces règles découle de l’interprétation des textes fondateurs par des théologiens, qui sont des êtres humains - souvent des êtres humains âgés et de sexe masculin, et pour les chrétiens, célibataires - et par conséquent sujets à l’erreur. Que je sache, Jésus ne s’est jamais exprimé sur la FIV ou l’homosexualité. Je n’ai pas lu le Coran (pas davantage que la Bible dans son intégralité), mais si tous les imams ne sont pas d’accord sur la nécessité pour une femme de se cacher le visage, c’est que ce n’est pas évident dans les textes. Là où il existe objectivement un flou total, certains se cristallisent sur des certitudes. Et accessoirement, se coupent - une fois de plus - du monde qui les entoure.

Tout ça pour dire que non, une musulmane voilée ne me gêne pas, même à la fac, même dans une administration. Pas plus que le voile des bonnes sœurs. Les sikhs, avec leur turban, ont la classe - mais on n’en voit pas par ici. Par contre, l’idée de se masquer le visage me déplaît. Je le ressens comme une mise à distance. Regardez la diva du Cinquième élément : quand on la voit débarquer avec sa burqa, on se sent dans ses petits souliers. On trouve même qu’elle se la pète un poil. Il me semble que le bénéfice (vivre sa religion selon des critères bien spéciaux) est largement inférieur au risque (être inaccessible à son prochain). La fille chez Ardisson affecte de prendre comme un préjugé le fait qu’on l’appelle “madame”, mais sous son niqab, comment peut-on savoir quel âge elle a ? (Sans compter que nous français sommes peut-être les seuls à faire encore la distinction entre Madame et Mademoiselle, distinction qui désole mes amies américaines). Et je repense accessoirement à la fois où je me suis fait cogner par deux minettes qui m’ont volé le fruit de mon shopping. Comment aurais-je pu les désigner à la maréchaussée si elles avaient porté une cagoule ou un voile leur couvrant le visage ? - Ok, je ne serais pas allée parler benoîtement à des gonzesses portant des passe-montagnes en plein mois de juin. La République ne peut pas dicter aux gens leur façon de s’habiller ? Mais il est bien interdit de se promener tout nu sur la voie publique, ou bien je fais erreur et je vais de ce pas jouer les Lady Godiva ?

Je ne connais rien au droit. Peut-être qu’une loi n’est pas nécessaire, peut-être qu’il y a d’autres moyens, mais je ne serais pas choquée que l’on cherche à souffler niqab et burqas - et passe-montagnes - loin de l’espace public. Ensuite, je m’interroge sur la survenue de ce débat là maintenant, tout de suite. J’habite dans une ville convenablement bariolée et je vois chaque jour, je l’ai dit, des dizaines de femmes voilées ; mais je n’ai jamais croisé un seul niqab. Est-ce bien vraiment une urgence ? Qui a soulevé le voile (hahaha) sur la question ? Là où je m’attache à un problème de communication entre les personnes (voir l’expression de son interlocuteur), on parle de laïcité et de condition de la femme. Suis-je naïve ? Suis-je trop pragmatique ? Ai-je tort ou raison d’occulter des enjeux plus profonds que la simple courtoisie entre les citoyens d’un même pays ?

Et surtout : comment diable peut-on faire une bulle de Malabar avec la bouche couverte ???

26

01 2010

Je ne suis pas mon Twitter, je ne suis pas ma Twingo

C’est marrant, on a beaucoup parlé de Copenhague, et puis une fois Copenhague terminé dans la chienlit, pouf, plus rien. Effectivement, c’était creux, c’était du baratin, ça n’a servi à rien. Je ne suis pas étonnée du tout mais je déplore de sentir autour de moi émerger l’idée comme quoi l’écologie, c’est creux, c’est du baratin et ça ne sert à rien. Comme si c’était une option, un truc auquel on a le droit de ne pas s’intéresser, un gadget qui fait chouette mais dont on se lasse, et dont l’échec de Copenhague aurait démontré la vacuité. J’enrage de trouver sur le net des mecs qui brandissent le climagate pour conclure que ça ne sert à rien de faire des efforts. Je fulmine après les cons qui poussent la mauvaise foi jusqu’à feindre de croire que parce qu’il neige en décembre, le réchauffement c’est de la foutaise.

Entendons nous bien. Je ne sais pas si la planète chauffe pour de vrai. Je ne sais pas, le cas échéant, si c’est de notre faute. Mais ce que j’entends, dans ces opinions contestataires, ce ne sont pas des raisonnements portés par l’amour de la vérité scientifique. Ce que j’entends, ce sont des arguments tordus qui débouchent toujours sur la conclusion que surtout, il ne faut rien changer à notre mode de vie. Pourquoi pas ? Moi, à la limite, que les calottes glaciaires fondent, que les eaux montent, je m’en fous : j’habite dans les Alpes, je trouverai toujours un bout d’alpage pour me mettre au sec. Que les ours polaires disparaissent ! Je n’en ai jamais vu que deux, au zoo de la Palmyre, dont l’un est sérieusement siphonné. Ça ne va pas changer ma vie ni empêcher les temps géologiques de continuer de s’écouler. Il y a déjà eu des disparitions massives d’espèces par le passé, et sans cela nous ne serions pas là pour le déplorer. Balançons de la merde dans l’atmosphère et dans l’eau potable, la vie s’adaptera et prolifèrera sous des formes encore inconnues. Nous ne détruirons pas la planète.

En revanche, j’ai parfaitement conscience que mon mode de vie est celui d’une grosse, grosse privilégiée. Je fais partie des 20% de glands qui bouffent 80% des ressources. J’ai une voiture, un téléphone portable, j’ai déjà pris l’avion - une quinzaine de fois. J’accumule quantité d’objets inutiles qui contiennent toutes sortes de métaux disponibles en quantité limitée, et qui consomment de l’électricité : deux pc, un téléviseur, un lecteur dvd, une wii, une DS, un caméscope… Je mange des choses qui viennent du bout du monde, parfois cultivées par des gens qui, pendant ce temps, ne font pas pousser de quoi manger pour eux : des bananes, du chocolat, du sucre… Non seulement je ne manque de rien, mais j’ai tout en excès : des meubles, des fringues - je pourrais dire de la bouffe si je n’avais pas malgré tout un IMC minable. Je suis conditionnée pour avoir besoin de trucs inutiles. Comme absolument toutes les personnes que je connais.

Surprise : toute la planète ne peut pas adopter notre mode de vie, y’a pas la place, y’a pas assez. Pas assez de terres cultivables pour faire grossir les hamburgers - et encore moins pour faire rouler des voitures aux agrocarburants pour tout le monde. Pas assez d’eau pour fabriquer des Pampers pour des milliards de petits culs. Pas assez d’oxyde d’indium pour fournir des écrans LCD à toute la planète. Alors pour ne pas avoir à changer, nous préférons clore le débat en disant “de toute façon, le problème c’est la démographie, on est trop sur Terre*”. Comme ça, soit on fait semblant de croire qu’un jour, quand tous ces sauvages de sous-développés auront adopté la contraception, on sera beaucoup moins et alors tout le monde vivra comme nous, en gaspillant, ce qui nous épargne confortablement le changement ; soit on peut s’indigner, accuser les écolos de malthusianisme - et ça peut aller très loin, loi du plus fort, totalitarisme et compagnie - et grâce à ce repoussoir, on se dispense toute remise en question. J’oublie aussi le classique “à quoi ça sert que je fasse des efforts, l’industrie/l’agriculture/ma cousine pollue bien plus que moi”. C’est pas moi, c’est ma sœur !

Au début, j’ai cultivé ma sensibilité - et ma culpabilité - écologique dans l’optique naïve de préserver les petits oiseaux. Et puis, à force d’avoir de mauvaises lectures, je me suis petit à petit rendu compte que l’enjeu est tout à fait ailleurs. Qu’être écologiste, vraiment écologiste, ce n’est pas une question d’ampoule à économie d’énergie ou de fermer le robinet pendant qu’on se lave les dents. Que la nature, c’est important, mais bien moins que les humains, qui sont les seuls à ne pas être sûrs de s’en sortir dans l’histoire. Que le seul but du truc, c’est de virer le gaspillage de nos vies, et que la motivation, ce ne sont pas les ours polaires, mais le respect de l’autre et le partage. Que pour ne pas partager, nous sommes près à tout croire, à tout déformer, à tout nier. Rien ne sert d’attendre une loi sur le carbone ou je ne sais quel miracle venu d’en haut. Ça ne dépend que de nous-même.

Il ne faut pas acheter de voiture verte : il faut se passer de la voiture, zapper la pub, refuser la société de consommation ; et ce n’est pas pour sauver les papillons, c’est pour faire justice à tous les Hommes, et à soi-même. Car - et je cite bêtement un film - nous ne sommes pas notre iphone, nous ne sommes pas notre Nespresso, nous ne sommes pas notre futon Ikea. Je fais l’expérience de me passer totalement de télé depuis deux ans. Quand je suis à l’hôpital ou chez des amis, et que je vois une page de pub, mes yeux sont neufs. Je vois à quel point on nous prend pour des cons. Essayez de regarder une pub comme si vous n’en aviez jamais vu, vous allez comprendre. Je suis sevrée et vraiment heureuse de l’être.

Je suis aussi sevrée de la voiture. Chaque fois que je la prends, je ressens l’absurdité de me promener dans une boîte en métal, au milieu d’autres boîtes en métal, dans un monde ou tout a été repensé pour les boîtes en métal. Je ne la considère plus comme Margot-la-Twingo-mon-bébé-à-moi. C’est une chose qui reste une chose et qui n’apporte pas l’épanouissement**. Mais mes progrès s’arrêtent là. Je n’arrive pas à me débarrasser de mon portable. Je n’achète presque rien d’occasion comme j’y aspire pourtant. Je ne peux pas m’empêcher de rêver que je retourne à San Francisco. J’use et abuse d’internet qui consomme d’énormes ressources pour faire tourner ses serveurs. Je suis encore une privilégiée dans ma tête. Quand on a grandi en étant le chouchou de la famille, c’est dur d’admettre qu’on ne vaut pas mieux que les autres.

* sur ce sujet, lire le passionnant cahier de l’IEESDS de juillet-août 2009, beaucoup plus intelligent et convaincant que moi
** private joke

06

01 2010
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