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How Come I’m the Grown-Up?

Dans un strip de Calvin et Hobbes, après que la maison ait été cambriolée, toute la famille va se coucher avec la trouille que le voleur revienne. Tandis que Calvin s’endort tout contre Hobbes, ses parents, blottis dans leur lit, se demandent : pourquoi, en tant qu’adultes, ne savent-ils pourtant pas toujours ce qu’il faut faire ? Et qui va venir les rassurer et les câliner, eux ?

C’est vrai que quand on est petit, on croit - enfin, moi, je croyais - que les grandes personnes sont toujours fortes, toujours raisonnables, toujours compétentes et qu’elles savent toujours ce qu’il faut faire et comment le faire. Parallèlement, elles sont condamnées à faire des choses barbantes à longueur de journée et ne s’amusent jamais. Tout cela paraissait à la fois terriblement difficile et particulièrement chiant. Je supposais également qu’un matin j’allais me réveiller en me sentant parfaitement adulte, d’un seul coup, pouf ! Je serais devenue parfaite, infaillible, je serais obligée de faire la vaisselle au lieu de jouer au Playmobils et de me sacrifier pour les autres, et je ne ferais plus de câlins à personne. Je trouvais ce dénouement si peu enviable que je m’inventais des aventures où je mettais au point une pilule qui me permettait de ne jamais grandir et de rester pour toujours une enfant.

Quelle ne fut pas ma surprise !

Quand l’adolescence fut venue, je découvris fortuitement qu’en fin de compte, les adultes se conduisent parfois de manière totalement idiote… Et de se disputer, et de réagir d’une manière que l’on qualifie habituellement de puérile… Que ce soit de l’aveuglement ou du dépit, on attribue au enfants des attitudes qui ne disparaissent pourtant pas avec l’âge. De manière générale, la puberté ne fait pas disparaître les traits de caractère. Les cons restent cons, les jaloux restent jaloux, les sensibles restent sensibles et les feignants trouvent toujours un moyen de ne pas se taper la corvée de noix de coco. Pire, la vie te rajoute des complexes et des blessures qui t’ôtent toute chance d’être cette personne parfaite que tu devais pourtant devenir. Les combattre et les vaincre, ce n’est pas être adulte, c’est carrément accéder à la sagesse. Encore une autre paire de manches…

Seconde surprise : il n’y a pas de rite de passage. Personne ne va te faire des peintures sur le corps, t’envoyer tuer un lion et ensuite te proclamer adulte. Il n’y a pas le tout dernier jour où tu es enfant, pour te réveiller adulte le lendemain. Tu passes le bac, tu deviens étudiant, pas adulte. Tu as le permis, tu as ta vie et celle des autres entre les mains, mais tu ne te sens pas adulte. Tu trouves un boulot, tu as des comptes à rendre, tu fais rentrer les sous et tu payes tes impôts, mais tu ne te crois pas adulte. Tu couches, tu tombes amoureux, tu emménages, tu ouvres un compte joint mais tu ne sais toujours pas si tu es adulte. A priori, tu t’assumes, mais “adulte”, ça sonne un peu comme un gros mot, non ? Et puis tu sais toujours t’amuser, pas vrai ? Tu es un peu paumé parce que tu as vaguement compris que tu n’allais pas devenir parfait, de ce côté là tout va bien, mais tu n’es pas tout à fait sûr en ce qui concerne les trucs chiants réservés aux adultes, est ce que tu es déjà en plein dedans sans t’en rendre compte ou est ce qu’il faut avoir des enfants pour commencer à en baver comme une vraie grande personne qui se respecte ?

Et nous arrivons à la troisième surprise : être adulte, en fait, ce n’est peut-être pas mortellement ennuyeux. C’était bien sympa cette idée de pilule pour ne pas grandir, mais ne jamais pouvoir aller nulle part sans demander la permission, apprendre des trucs dont tu n’as pas envie, ne pas choisir comment et avec qui tu passes le plus clair de ton temps, et même jouer aux Playmobils toute ta vie, ça pue du cul. Aller au lycée, avoir de l’acné, acheter des préservatifs qui pourrissent dans ton portefeuille, réviser le bac, ça craint. Être étudiant, bachoter les partiels, te prendre la tête avec Géraldine sur des comptes-rendus de TD, vivre dans 8 mètres carrés, rentrer le week-end faire ta lessive chez tes parents, ça va bien cinq minutes. Alors qu’un jour, tu te retrouves dans TON appart, avec TES sous, TA déco et TES bouteilles dans TON frigo, libre comme Max, tellement content que tu tapes sur des bambous… Les soirées-pyjamas deviennent des weekends pyjamas… Tu sais toujours autant te marrer, et tu peux même avoir des câlins en te démerdant bien… Pute borgne ! Te voilà adulte, et c’est même pas triste ! C’est presque du vol !

Ok, j’admets, une fiche de paie ne suffit pas. Je crois que je sais. En ce qui me concerne, en tout cas. Un soir, je me suis retrouvée avec Doudou devant un formulaire très spécial. Il s’agissait de choisir le nom et le prénom de notre enfant. Le vertige nous saisit tous les deux. Nous avions l’immense pouvoir de décider du nom que quelqu’un allait porter toute sa vie. Avoir ce choix nous a beaucoup impressionné. Et en repensant à ce moment, je repense à tous les choix que j’ai faits depuis que je suis sortie de l’adolescence. Choisir Doudou. Choisir mes études. Choisir de les arrêter. Choisir de démissionner de mon premier boulot. Choisir un prénom pour Nibbler. Choisir mes priorités dans la vie. Des choix difficiles. Qui m’ont pris du temps, qui ont du mûrir pour voir le jour. Des choix qui m’ont fait avancer. Vers la bonne destination ? Je ne le sais pas toujours quand je les fais, je ne le sais pas encore pour certains d’entre eux. Mais je ne suis pas restée sur la rive, j’ai sauté dans le courant, même si j’avais peur. Et je pense pouvoir dire que, bien plus que les responsabilités, les plaisirs et les tracasseries, ce sont mes choix qui me donnent mon pedigree d’adulte. (Vous avez cru que j’allais dire que c’était de devenir maman, hé bien, dans le cul Lulu !)

Ayé, je suis adulte. Et je ne suis pas chiante, d’abord !

reserve-aux-adultes2

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10 2009
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