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Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

C’est mal, mais je suis fascinée par “Top Model”, l’émission la plus sadique du PAF. Moi qui suis finalement profondément gentille malgré mon sale carafon (si si), je suis éblouie par les trésors de méchanceté et d’humiliation dont sont capables les différents protagonistes censés former de grandes bringues manucurées au métier de mannequin. A l’exception d’Adriana Karembeu, qui m’a toujours paru d’une nature simple et bienveillante, tous les “formateurs” sont maîtres dans l’art de briser et de traiter plus bas que terre leurs consentantes victimes. J’imagine naturellement que ce traitement n’est qu’un pâle avant-goût de ce qui attend les bébés mannequines si elles persistent dans leur masochiste projet… Charmant milieu. En tout cas, ça occupe mes débuts de soirée solitaires quand Doudou est encore parti faire du sport avec ses jeunes collègues dynamiques et pas enceints (hm hm???).

Si j”en parle, c’est parce que j’ai été frappée par un curieux détail de décoration intérieur : les candidates sont logées dans une maison moderne avec cour intérieure et eunuque intégré à la cuisine. Et c’est le dossier des chaises qui a accroché mon regard l’autre jour. Figurez-vous que l’on peut y lire en lettres noires… les premiers vers de la ballade des pendus de François Villon ! Macabre message pour égayer l’environnement de ces jeunes filles aux fraîches joues, non ?

Pour ceux qui n’ont pas eu comme moi l’excellent Monsieur Cornac comme prof de français en troisième, voici le poème dans sa totalité :

*** Ballade des pendus***

Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s’en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Se frères vous clamons, pas n’en devez
Avoir dédain, quoique fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis.
Excusez-nous, puisque sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l’infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis.
Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis
Puis çà , puis là , comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie :
A lui n’ayons que faire ne que soudre.
Hommes, ici n’a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

01

12 2007
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