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Les mystères de la science

Mon boulot est passionnant, c’est vrai. Je saisis des listes de morveux dans mon logiciel capricieux sur une bécane antique qui ne reconnaît pas les clés USB et qui redémarre sans prévenir cinq fois par jour (probablement l’heure de sa prière). Je tape des lettres d’avertissement remplies de compréhension pour de jeunes employés hippies qui trouvent trop difficile de se lever le matin pour aller bosser. Je photocopie des dépliants moches en 1000 exemplaires sur des feuilles saumon, parce que Bigornite, la collègue qui a pouvoir de vie et de mort sur ma personne, aime le saumon. J’aide mon prochain informatiquement inadapté à retrouver sa barre d’outil perdue dans Excel. Je fais ce qu’on me dit, comme on me dit, et quand le lendemain on me dit de faire autrement, je fais autrement. Je prends mes vacances aux dates que les autres ont laissées. Je supporte tout, je fais confiance en tout, j’espère tout, j’endure tout.

On pourrait penser qu’avec une licence de biologie et une expérience en labo de recherche, finir en secrétaire docile est une déchéance humiliante. En fait, non. Parce que d’une part, la recherche, faut pas croire, mais c’est particulièrement emmerdant. D’autre part, et ça va faire un peu Michel Houellebecq mais je m’en fous, parce que je sais ce que vaut mon cerveau et ho ! faites moi confiance, je ne suis pas la dernière des connes ; ce qui me vaut de ne pas avoir de complexe d’infériorité malsain qui me pousserait, par exemple et tout à fait au hasard, à insulter copieusement le moindre misérable ingénieur qui se traîne la bite dans le coin (et heureusement pour ma vie conjugale).

Ce qui me donne parfois envie de me tirer une balle, en revanche, c’est la souffrance intolérable d’avoir une culture scientifique au milieu d’une équipe de bureaucrates et de pédagos qui en sont totalement dépourvus. Hormis le fait qu’ils soient étrangement handicapés pour tout ce qui requiert un minimum de logique, comme le maniement d’un ordinateur (en général) ou des formules dans Excel (en particulier), je dois gérer des situations ubuesques que je suis la seule à comprendre. Par exemple, lorsque je reprends les heures de travail des salariés que me transmet La Tsarine, je trouve des indications hétéroclites du style : “Monique Poil : 15,57 h - Paul Piston : 3h70 - Grégoire Minou : 8h50″. Grâce à mon super cerveau surrentraîné, je flaire le piège involontairement tendu par ma chef bien aimée : le jeune Minou a-t-il travaillé 8 heures et 50 minutes, ou bien 8,5 heures, soit 8h30 ? Non, parce qu’on se fend d’horaires précis au centième d’heure près, soit 0.0844 € brut (mais je ne dis rien : il y aurait de la chef comptable là -dessous que ça ne m’étonnerait pas - non, les comptables ne sont pas comme nous), et dans le même temps, on laisse planer une incertitude de 20 longues minutes dans le plus grand mépris des conventions de notation. Et quand je vais lui poser la question, La Tsarine comprend à peine ce qui me gêne. Et ça, ça me fait mal dans mon coeur.

Et parfois, je me marre. Comme hier, quand j’arrive au café et trouve ma tasse déjà remplie. Alors que je remercie ma collègue, elle me gratifie de la perle suivante : “Il est très fort ! Alors je t’ai rajouté de l’eau chaude, sinon ton bébé va être énervé”…

Et impossible de lui faire admettre qu’avec ou sans eau chaude, il y avait toujours la même quantité de caféine dans la tasse…

09

10 2007
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