La Fille Aux Craies

Vers le milieu du collège, j’ai commencé à porter les vieilles chemises de mon grand-père. Il devait déjà être mort à l’époque; c’était donc en quatrième et troisième. De vieilles chemises à carreaux, usées, douces comme tout. Je les mettais pour aller en cours. Elles allaient très bien avec mes jeans larges noirs ou rouges. Autant dire que je n’étais pas la Paris Hilton de l’établissement. M’en fichais, j’aimais bien.

Tom, mon beaufre, prétend ne pas comprendre pourquoi nous aimons porter les fringues de ceux qu’on aime. Je suis sûre qu’il fait exprès.

Ceux. Et pas celles.

Les fringues de filles, je connais bien. J’ai récupéré des années durant celles de mes grandes cousines (avec bonheur, c’était presque toujours des marques). Dans les fringues d’une autre fille, je me sens bien habillée - quand une copine vous prête ses vêtements, c’est souvent parce qu’ils sont mieux que les vôtres, pour vous dépanner le temps d’une soirée, d’un mariage… Dans les fringues d’une autre fille, je me sens une autre, presque déguisée. Je compare, c’est plus fort que moi, et la plupart du temps ça ne tourne pas à mon avantage. C’est un gros truc entre filles de s’échanger des habits, c’est toujours une marque de confiance, mais rien à voir…

Dans les fringues d’un gars que j’aime (forcément), je me sens bêtement aimée. C’est le geste du garçon qui voit que vous avez froid, et qui vous passe son pull; c’est les vieilles chemises de mon Papy, un reste de lui par ici; c’est un t-shirt trop grand et qui porte encore l’odeur de votre amoureux. Il est révélateur qu’avant de sortir avec Doudou, je me sois déjà retrouvée par deux fois dans une fringue à lui. J’ai un si petit format que dans un habit de garçon, je me sens à la fois miniscule et en sécurité. Pas de comparaison hasardeuse, pas de déguisement; juste un calin textile.

… les chemises de Papy, le vieux pull de Papou, la polaire de Tom, les baskets de Titou, le peignoir de Marcus, les pyjamas de Doudou…

Et pour fêter ça: les Bombes 2 bal aiment bien les garçons sur Radio Marmotte.