Chronique de la vie ordinaire

J’aime beaucoup mon nouveau pharmacien. Il est sympathique, compétent et arrangeant, soit tout le contraire de celui de Montpellier (qui refusait des médicaments à des CMU sous prétexte qu’ils “en avaient encore probablement assez”, ou “n’en avaient pas vraiment besoin” - sic). L’autre soir, il nous a taillé la bavette pendant un bon quart d’heure. De notre plein gré.

Tout a commencé parce que j’ai dit que je trouvais les préservatifs trop chers. Il me dit que point de vue prix, en tant que contraception, c’est assez similaire à la pilule. Certes, mais moi je pensais surtout MST, et je ne suis pas certaine que les petits jeunes se sentent incités à acheter 12 capotes pour 10 euros (faut dire que je mesure par rapport à mon propre argent de poche à 15-16 ans; j’ai cru comprendre qu’en général les gosses sont plus riches que je ne l’étais).

Alors mon pharmacien prend un air sérieux et désolé, et il rétorque que 5 francs pour faire l’amour, ça ne lui paraît pas si onéreux. Qu’il n’a pas de plaintes à ce sujet, à part un client, un jour, qui a râlé que c’était trop cher, et avec quoi il allait se payer des clopes? (NB: le mec qui veut bien banquer pour attraper le cancer mais pas pour se protéger du SIDA). En revanche, mon pharmacien est affolé du nombre de minettes qui viennent lui “acheter” (c’est gratuit jusqu’à 18 ans) la pilule du lendemain, de leur âge, et de leur attitude. Exemple: 14 ans, qui ne veut pas écouter le mode d’emploi (”je sais!”) et avec le minet derrière elle (allez, il a le mérite d’être venu!) qui réclame une autre boîte “pour la prochaine fois” (mon pharmacien dit avoir jeté un dépliant provenant du laboratoire qui fabrique le Norvelo: on y conseillait en effet d’avoir “toujours chez soi une boîte d’avance” - et puis quoi encore?). Pour beaucoup, la pilule du lendemain n’est plus une contraception d’urgence. On croirait une caricature, mais il affirme que les clientes au Norvelo sont pratiquement toutes mineures et se montrent assez peu candidates à la pilule contraceptive et aux préservatifs qu’il leur propose.

Je m’étonne: de mon temps on nous martelait que “sexe = pilule + capote”, et y’a des ados qui s’envoient en l’air sans parachute. Mon pharmacien déplore que la prévention soit devenue quasi inexistante, qu’avec les progrès de la trithérapie, les gens ne meurent presque plus du SIDA, donc ils n’ont plus assez peur, et que cher ou pas cher, ils n’achètent pas assez de préservatifs.

Côté “théorie du complot”, on peut s’interroger sur le fait qu’en négligeant l’éducation la contraception et la protection contre les MST, on rapporte pas mal aux industries qui fabrique pillules du lendemain et trithérapies. Voilà le point de vue de mon pharmacien, et c’est toujours intéressant d’entendre les gens qui sont directement en contact avec tel ou tel phénomène.

Je dois admettre que l’idée de délivrer gratuitement la pilule du lendemain aux mineures me paraît un peu étrange. De mon temps (il y a 10 ans), c’était une gloire d’aller à la pharmacie du lycée acheter des capotes, même (surtout) si on n’en avait pas encore besoin, et les filles allaient au planning familial pour avoir la pilule contraceptive gratuitement et sans autorisation des parents (c’est toujours en vigueur). Mais j’ai entendu plusieurs fois que les jeunes d’aujourd’hui n’étaient pas assez informés et éduqués à ce niveau, et j’ai même vu il y a quelque temps un micro-trottoir où une ado s’étonnait que le SIDA se transmette par le sang, et pas par la salive! Je veux bien qu’il puisse y avoir des capotes qui craquent et des accidents de pillule, mais n’y a-t-il pas là un tout, tout petit problème? Ne valait-il pas mieux continuer la prévention comme au bon vieux temps, plutôt que de faire une grosse promo pour la pilule du lendemain, qui rappelons-le, ne protège absolument pas des MST?

Je veux bien admettre que je vienne d’un milieu favorisé - quoique sur ce sujet mes parents n’aient fait pour ainsi dire aucun coaching - mais il doit bien y avoir un moyen pour que tous les jeunes accèdent à la compréhension des réflexes de base. Et à plus forte raison, parce que l’apprentissage de la sexualité ne se limite pas à des compétences techniques, mais va constituer un pan entier de l’adulte en devenir. Et le soir où il n’y a plus de capote, il y a sûrement des gestes à inventer pour rencontrer l’autre… Sans le mettre en péril… Sans le bourrer de progestérone le lendemain matin…

http://www.masexualite.ca
http://www.contraceptions.org/
http://www.preventionsida.org
http://www.sida-info-service.org

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11 2005

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  1. 1

    c’est le problème de toutes les “grandes causes”, que ce soit le SIDA, le Cancer, etc… on en parle beaucoup à une époque, on fait de la prévention, etc… et puis ça finit par se normaliser, on “accepte” les malades, on arrive à mieux les sogner, donc on en parle de moins en moins pour ne pas les stigmatiser et les “exclure”… et du coup, on oublie… Nous avons eu la “chance” d’être ados à l’époque où le SIDA a commencé à devenir un fléau dont on parle. Les ados d’aujourd’hui vivent dans le monde doré de la Star Ac… that’s life…

  2. Mya #
    2

    le problème c’est que le genre d’attitude que tu décris existe aussi dans les milieu “favorisés” où l’information et la prévention est largement répandue…
    Je pense pour ma part que c’est plus un manque de volonté de la part des jeunes, qu’un manque de prévention…

  3. souslenuage #
    3

    Mya, je ne suis pas persuadé que l’information circule beaucoup mieux dans les milieux “favorisés”.

    La prévention est efficace quand elle est menée correctement. Actuellement, elle est pour ainsi dire inexistante, et je suis sûr que la plupart des ados ne savent même pas ce qu’est le planing familial. Et où pouraient ils en entendre parler ? Pas à la télé ou au ciné en tout cas. Et surement pas dans leur famille (après tout si leurs parents leur en parle, c’est qu’ils peuvent aborder les sujets liés à la sexualité chez eux et qu’ils n’en ont probablement pas besoin).

    Un exemple de la faiblesse de la prévention en France:
    qui se rappelle que le sida est la “grande cause nationale 2005″ ? Les (trop rares) spots diffusés ne parlaient que de l’intégration des séropositifs (sujet très important), mais pas de prévention.

    Il y a a mon avis deux problèmes :
    - le sida ne fait plus peur,
    - une prévention efficace doit agir dans la durée, ce qui n’est pas le fort des médias actuels.

    Le sida ne fait plus peur car les tri-thérapies donnent l’impression (fausse) qu’on peut “vivre avec”. En fait, on ne fait que mourrir plus lentement, et en supportant les effets secondaires des traitements. Ces derniers sont étrangement peu “médiatisés”.

    Enfin la prévention doit s’inscrire dans la durée, elle ne doit pas être limitée à une campagne de spots de temps en temps dans les médias. Ces actions ponctuelles sont importantes car elles touchent beaucoup de monde (y compris les parents) mais elles ne font pas tout.

    A quand un long spot sur les effets secondaires des tri-thérapies et rappellant l’intérêt du préservatif dans la prévention des MST ? Des pubs pour les numéros verts qu’on peut appeler d’une cabine publique (pas de chez les parents qui demandent une facture détaillée à france-telecom) ?

    Et l’école ? A quand une prévention efficace dispensée dans les lycées ? Et pas un truc baclé à la va-vite, mais une vraie partie du programme officiel avec des leçons à apprendre et des interros ? (ben ouais, on est toujours plus attentif quand on sait qu’on va être interrogé sur un sujet).

    Bref, on a malheureusement les comportements qui vont avec la politique qu’on mène sur le sujet. Et c’est pas brillant. Ce n’est pas quelques campagnes d’affichage (généralement très softs en plus) qui vont remédier au problème.

    Bien sûr, cet avis n’engage que moi… Je n’ai pas la prétention d’avoir la réponse à ce problème.Mais ce dont je suis sûr, c’est que si on ne prend pas le problème à bras le corps, on risque d’assister à une remontée du nombre de contaminations. Et le sida n’a pas fini de tuer.



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