La fée

barbie

Je sais pas ce qui m’a pris: je suis encore allée à Carrouf, un samedi après-midi.

En fait, si, je sais ce qui s’est passé: c’est que je voulais aller chercher mes photos (après une longue idylle avec notre appareil numérique, je suis revenue à mes premières amours: mon trésor de petit Ixus, celui que je me suis payé quand j’ai eu mon bac, qui fait de si jolies photos). Et puis hier j’étais trop ensuquée pour bouger. Et j’avais besoin de lait.

Donc je me suis jetée sans grand courage dans l’arène. Et j’ai encore fait la preuve de mon grand manque de patience. Non, mais les gens, c’est leur sortie du samedi de venir à Carrouf? Ils viennent en famille, avec la mémé, la grosse ado révoltée qui louche sur les préservatifs au rayon parapharmacie, l’affreux morveux qui braille après ses Kinders et le tout-petit dans son (énorme) poussette, qui bave sur sa totoche.

Premier coup de gueule: non, mais la grenouille, ils pouvaient pas la faire garder par l’ado révoltée pour aller faire leurs courses? Ils ont rien trouvé de mieux que de faire baigner un nourrisson dans un endroit aussi concentré en miasmes qu’un supermarché à l’heure de pointe? Quand je vois ces bouts de chou sussoter leur biberon en plein milieu des allées noires de monde, et gazouiller entre les frigos invraisemblablement glaciaux, j’ai des envies de foutage de choucroute traiteur sur la gueule des parents. Et après, on interdit aux instits de faire manger en classe des gâteaux fait-maison, pour cause d’hygiène. Merde!

Deuxième coup de gueule: non, mais les vieux, ils pourraient pas faire leur shopping un autre jour? Déjà moi, j’ai abusé avec mon histoire de crève, de photos, et de panne de lait. Mais là! Là! Ils arrivent dans des BMW énormes qu’ils conduisent comme des lanlires, ils bouchent les allées du parking en attendant vainement qu’une place se libère, ils dirigent leur caddie sans regarder devant eux, et des fois, ils essayent même de te piquer ta place dans la queue sous prétexte qu’ils sont vieux!

Et puis, ce Noël dont on nous farcit la tête dès début Novembre! Ces chocolats! Ces stupides jouets! Y’a qu’à voir les pubs qui entrecoupent les programmes enfantins pour voir comment on fabrique les nouveaux petits consommateurs. Et les nouvelles petites pouffes: vous avez déjà vu une tête à coiffer? Cet abject objet est destiné à l’apprentissage de la coiffure, du maquillage et de la manucure chez les petites filles (qui n’en on pas besoin, parce qu’à 8 ans, on séduit les garçons en jouant au foot avec eux, vous pouvez me faire confiance en ce domaine). Autre machin effrayant: les poupons qui parlents, bavent, font pipi et j’en passe. Déjà que je me suis toujours méfié des poupées (tout ce plastique rose qu’on est sensée chérir comme notre propre enfant), mais là, la réalité dépasse l’imagination. Disons que je conçois difficilement un cadeau qui m’aurait fait plus peur.

J’en profite pour fustiger au passage ces doux imbéciles qui pensent qu’ils sont suffisamment au dessus des autres pour ne pas éteindre leur cigarette quand ils pénètrent l’enceinte du temple de la consommation. Quand je pense que certains s’imaginent que la société fait pression contre le tabac, et qu’ils sont donc de grands rebelles, derniers remparts contre le politiquement correct… Sachant toutes les saletés que les tabatiers rajoutent dans les cigarettes pour rendre le fumeur encore plus dépendant, ça me fait bien rire. Le fumeur est THE consommateur: il dépense des fortunes pour se procurer un truc dégueulasse, toxique, et dont il ne peut se passer au point d’être capable de consacrer tout un dimanche après-midi à chercher un tabac ouvert, malgré une gueule de bois. En plus, le fumeur a commencé à fumer pour bien se faire voir de ses copains du collège: il en est d’autant moins un rebelle.

Le fumeur supporte souvent très mal qu’on lui interdise de fumer (même dans un endroit aussi nul qu’un centre commercial). Par contre, il trouve parfaitement normal que moi et les mous du poumons dans mon genre soyons interdits de bars et de boîte de nuit pour cause d’intolérance physiologique à la cigarette. ça ne le dérange pas, le fumeur, que je ne puisse pas sortir m’amuser comme tout le monde et tortiller mon maigre popotin sur la dernière daube d’Ozone. Mais tentez l’expérience: suggérez que ça serait bien, quand même, de ne pas fumer à l’intérieur des boîtes de nuit… vous allez probablement mettre peu de temps à vous faire traiter de facho. C’est comme ça.

Pour résumer, je l’avais vraiment mauvaise. Et puis, en arrivant à la caisse, j’ai rencontré une fée. La plus jolie, la plus charmante caissière de toute ma vie. D’abord, elle m’a dit bonjour quand elle m’a vue, et n’a pas attendu que ce soit mon tour (pourquoi les caissières font ça? on est là devant leur nez depuis 1/4 d’heure - le temps que la mémé de devant remplisse son chèque - et elle font comme si on était pas là. Elles nous disent bonjour au moment où elles passent notre premier article. S’il se trouve une caissière pour me lire, j’aimerais qu’elle me dise si on leur dit de faire comme ça, ou si c’est sur un chromosome.) Bref, elle me dit bonjour avec un sourire charmant. Et puis… je sais pas, elle n’a pas l’air d’être juchée sur un minable fauteuil à roulettes, dans un vilain pull Carrouf, à encaisser des clients de mauvaise humeur (dans mon genre). Elle a l’air d’être dans une prairie, à faire de la balançoire au pied d’un immense tilleul. Elle est douce. Elle est rigolote. Elle m’a ravie. Sûrement une fée.

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11 2004

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