Mamanteries

Avec 20 mois d’expérience, être maman est désormais le job que j’aurai occupé le plus longtemps. Après avoir été pro de la tétée, de la couche lavable et du baby led weaning, je deviens à présent experte en traduction simultanée. Exemples :

- “Chech ! Ton !”

- Elle a fait tomber sa fourchette.

- “Chouche bébé !”

- Aide-la à mettre la couche à sa poupée.

- “Chéché babon !”

- Elle cherche son ballon.

- “Papa ! Pouesse !”

- Non, ma chérie, ce monsieur n’est pas ton papa, et ce n’est pas une poussette mais un fauteuil roulant.

Je lis Popi, je nettoie le pot, j’interdis de toucher à la cuisinière, j’emboîte les Duplo, je paie la garderie, je ramasse le riz sous la chaise haute, je fais des chatouilles, je gère les vaccinations, je console, je fais des couettes, je lave Doudou*, je chante une chanson pour patienter quand Doudou* sèche, je mets du David Bowie dans le nounours Mp3, je monte dans le petit train du parc Mistral, je fais le chat, l’âne et le fantôme, j’étale la crème solaire indice 50 et je regarde Winnie l’Ourson. J’assure. Et j’aime ça.

Pourtant…

En tant que maman au foyer, l’essentiel de ma vie sociale consiste à fréquenter d’autres mamans, principalement dans un endroit enchanté mis à disposition par notre belle municipalité communiste : la Boîte à Jeux. La Boîte à Jeux est remplie de toboggans, piscines de balles, aliments en plastique, baigneurs échevelés, boîtes à formes qui font des bruits étranges, éléphants en mousse, casseroles en bois et bouliers chatoyants - mais pas de raton laveur - et les moutards s’en donnent à cœur joie sous les yeux attendris de deux animatrices pendant que les mamans mamantent.

Mamanter, c’est surveiller son premier du coin de l’oeil tout en donnant le sein au second ; c’est essuyer la compote de pomme étalée sur la table du goûter en parlant apprentissage de la propreté ; c’est faire un bisou magique sur un genou meurtri en comparant discrètement les acquisitions langagières de son morveux avec celles des autres morveux. Mamanter, c’est avoir un avis sur la diversification, s’inquiéter de l’âge auquel on peut rentrer à l’école et s’enquérir de la qualité de l’année de préparation à la maternelle proposée par la mairie. Mamanter, c’est exhiber son gros bide en expliquant pourquoi cette fois-ci on ira accoucher à la clinique Beauxtétons plutôt qu’à l’hôpital Velpeau. Mamanter, c’est avoir l’air sûre de soi et extrêmement compétente en puériculture, option pédopsychiatrie (”Tu lui as expliqué que son papa c’était TON chéri et que quand elle sera grande elle aura un amoureux à elle ?” - dans les mamanteries, les petites filles ne sont jamais lesbiennes).

Voilà. Moi je n’ai pas l’impression de savoir mamanter. Je me sens au milieu d’un troupeau de mamans comme ^ ^ se sentait dans l’église le jour du baptême de Nibbler : pas-franchement-à-ma-place-mais-ça-ne-se-voit-pas-parce-que-j’ai-le-bon-costume. Certes, je peux donner mon avis sur l’introduction des aliments solides dans le régime d’un bébé de six mois, militer pour les couches lavables ou lâcher nonchalamment que ma fille a déjà 150 mots de vocabulaire. Je peux dire des histoires de pipis par terre et tonner contre les lits-autos pendant plusieurs dizaines de minutes. Je peux raconter mon accouchement à des inconnues. Mais au fond, ça ne m’intéresse pas vraiment et je préfèrerais parler ciné ou raconter des blagues de cul. Malheureusement, les jeunes mamans n’ont pas trop l’occasion d’aller au ciné - ô pleurs - et elles supportent plutôt mal que leurs rejetons entendent de vilains mots - sans compter que pour certaines, le cul n’est qu’un lointain souvenir. Du coup, je me venge en insistant lourdement sur ce que mes biscuits maison sont bio - devant une maman qui a apporté des mini-bn - ou que Nibbler faisait presque tous ses cacas dans le pot à 18 mois - si l’autre gosse porte encore des couches alors qu’il rentre en petite section dans trois jours. Et je montre mon nombril en narrant comment j’ai retrouvé mon ventre de jeune fille avant même de sortir de la maternité. Mais tout cela ne me satisfait que fort moyennement, car mes petites bassesses n’affectent que très modérément mes victimes. En admettant qu’elles les remarquent.

Au fond, je ne m’étonne pas. Depuis l’école primaire, je me sens à côté de la plaque. Au lycée, je ne me sentais pas dans le bain. A la fac, pas étudiante. Au travail, pas professionnelle. Je ne corresponds jamais en-dedans au rôle social que j’ai au-dehors.

Finalement, là où je me sens à ma place, c’est une bière ou deux dans le nez, à dire des grossièretés avec ^ ^ pendant que Doudou* fait semblant de s’offusquer. Bel exemple pour un enfant, tiens !

* Vous l’aurez compris, il y a deux Doudou dans cette histoire…

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Maggie

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06

09 2009

9 Comments Add Yours ↓

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  1. mamoune #
    1

    mamanter, c’est joli ça !!

  2. 2

    Tiens, je ne connaissais pas ce terme de mamanter.
    Mamanter, c’est sympa 2 secondes mais après on a envie d’autre chose!

  3. 3

    Moi j’aimerais bien être une maman comme toi…
    (je crois que j’ai eu une maman comme toi aussi)

  4. Me #
    4

    Une “année de préparation à la maternelle” ? On aura tout entendu ! J’espère que tu avais inscrit Nibbler à l’année de préparation à la naissance. Comment elle a fait, sinon, la pauvre ?

    Et c’est pas bien de boire des bières en allaitant d’abord !

  5. Maggie #
    5

    Ben la preuve que non, c’est qu’elle a décidé de sortir à 36 semaines, genre, elle a rien capté au protocole officiel.
    Et puis la bière ça stimule la lactation, il paraît - il paraît…

  6. Mumoldue #
    6

    biscuits maison : même si leur élaboration est mise en œuvre sur plusieurs sites…

  7. sev #
    7

    A l’hopital velpeau! :wink:

    En gros, c’est un peu comme mon loulou qui mange avec des djeuns car toutes ces collegues ont des marmots et ne parle QUE de ca… :evil:

    c’est une blague la prepa maternelle hein?

  8. 8

    “tout ça à cause d’une histoire d’acytil… d’acétyldaci… d’acidal…”
    :-)
    j’aime tes bassesses défoulantes contre le mamantage ordinaire…. Quand je croise ces femmes je me demande toujours si elles ont eu une vie avant d’être maman. probablement que non :evil:
    Et je suis là quand-tu-veux pour parler de cul !

  9. ceth #
    9

    Mouhahaha!…”Le mien est très en avance du point de vue de l’acquisition du déplacement transversal sur une main.”



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